J’ai découvert au pouvoir législatif un système radicalement différent. Les relations entre les
membres de l’assemblée et son bureau n’étaient pas régies par une logique hiérarchique
statutaire. Chaque parlementaire constitue, en soi, une autorité souveraine, n’ayant de compte à
rendre à quiconque. Cette structure rend toute discipline interne extrêmement difficile: les
moindres décisions, comme sanctionner un membre pour violation du règlement intérieur,
exigent un vote en assemblée plénière à la majorité qualifiée des deux tiers. Il en résulte une
impuissance pratique à appliquer des mesures disciplinaires, même face aux absences répétées
aux séances ou à des actes graves portant atteinte à l’image et à la dignité de l’institution
parlementaire.
10. Concernant votre vision historique : Comment souhaitez-vous que l’histoire retienne
votre passage au sommet de l’État ?
Ce que je souhaite que l’histoire retienne de mon parcours, de la fonction publique jusqu’aux
plus hautes fonctions de l’État, c’est que je n’ai jamais été habité par une obsession du pouvoir.
J’ai intégré l’administration sur concours, et chaque promotion fut uniquement le fruit de mon
engagement, de mes compétences et des résultats que j’ai produits.
En ce qui concerne les fonctions politiques, je n’ai jamais eu à les briguer. Elles me furent
toujours proposées à la dernière minute, sans que je les aie recherchées.
Ma candidature au Sénat de la République, quant à elle, fut une réponse directe à la méprise
grossière des tenants du pouvoir issu du coup d’État de 2004. Le fait qu’un ministre de la Justice
procède personnellement, à des heures indues, à l’arrestation d’un ancien ministre a provoqué
un sentiment de répulsion chez tout vrai démocrate. Cet acte offrit à la victime une popularité
gratuite à exploiter. Cet épisode m’a étrangement rappelé la phrase de Frédéric Marcelin : «
Nord Alexis, par une stupide fusillade, assura à Massillon Coicou une immortalité que sa poésie
ne lui aurait pas donnée. » N’est-il pas dit que l’histoire est un perpétuel recommencement ?
Par la suite, en ma qualité de Président du Sénat, j’ai engagé, avec Cholzer Chancy, Président
de la Chambre des Députés, des discussions avec le Président Martelly sur la fin imminente de
son mandat. L’objectif était de l’inciter à choisir un nouveau Premier ministre, à former un
gouvernement et à le faire ratifier par les deux chambres avant l’échéance du 7 février 2016. Il
n’était absolument pas question d’instaurer une présidence provisoire. C’est son entêtement à
prolonger son mandat jusqu’au 14 mai qui a tout chamboulé, nous contraignant à recourir, in
extremis, à l’Assemblée nationale pour combler le vide présidentiel. Comme plusieurs autres
compatriotes, je me suis alors porté candidat à ces élections que j’ai, effectivement, remportées.
11. Sur la jeunesse : Que diriez-vous à un jeune Haïtien ou une jeune Haïtienne qui rêve
aujourd’hui d’entrer en politique ?
Chaque jour, je rencontre de jeunes compatriotes pour échanger sur l'état de notre nation et leur
rôle dans sa reconstruction. Je m’attèle à leur redonner foi en l'avenir. Fils de parents modestes