Le peuple a le droit de comprendre. Comprendre pourquoi les administrations se succèdent sans
que ses attentes légitimes de bien-être ne soient concrétisées. Comprendre pourquoi la poursuite
de son bonheur, pourtant gravée dans le tout premier préambule de notre Constitution, tarde
toujours à se réaliser.
C'est finalement la persistance et l'insistance amicale de Pierre Raymond Dumas qui m'ont
convaincu de l'importance de léguer à la postérité le récit de mon parcours et de mon expérience
au plus haut niveau de l'État. Son plaidoyer a fait naître en moi la conviction qu'il était de mon
devoir de partager cette perspective unique.
Ainsi ai-je pris la résolution d'écrire ces deux ouvrages autobiographiques. Je suis pleinement
conscient qu'en livrant ma vérité, je n'offre qu'une version des faits—la mienne—qui sera
inévitablement soumise à la critique, voire à la contestation. Mais on ne doit jamais redouter de
dire la vérité par crainte des réactions. L'Histoire, ultime juge, se chargera de trier le vrai du
faux. Et puis, une évidence demeure : on ne saurait satisfaire tout le monde à la fois.
3. Parmi vos différentes responsabilités politiques, quelle expérience vous a le plus marqué
et pourquoi ?
Mon passage au Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales fut une expérience que
je ne saurais qualifier de réussie, alors même que j’avais les compétences académiques et
l’expérience administrative nécessaires pour bien l’exercer. Pire encore : j’en ai payé le prix
fort pour l’avoir occupée en pleine période de profondes crises politiques.
Les missions attribuées à ce ministère, à la suite de sa scission d’avec l’ancien Ministère de
l’Intérieur et de la Défense nationale en mai 1990, n’ont, me semble-t-il, jamais été vraiment
comprises par la plupart des acteurs politiques, qu’ils soient du pouvoir que de l’opposition.
Le décret du 17 mai 1990, établissant les structures administratives et organisationnelles du
nouveau Ministère, ne lui reconnait aucune compétence en matière de sécurité publique, de
renseignement national et d’exercice de la violence légitime de l’État. C’est sur ces aspects,
pourtant, que nombre de compatriotes continuent à associer cette Institution étatique, chargée
de veiller au respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme.