Cependant, je veux signaler à l’encre forte, si le renversement du gouvernement,
ce 29 février 2004, était l’œuvre des rebelles (anciens militaires, insurgés, civils
armés ou assaillants) j’aurais, même à la nage, abandonné le pays. L’intervention
de la communauté internationale à travers cette Force Multinationale
Intérimaire, dans un conflit interne, devrait être une garantie de neutralité, de
sécurité pour tous et d’absence de toute forme de persécution et de vengeance
politiques. Monsieur Privert, me dit Georges, « vous avez fait le bon choix. Le fait
par vous d’avoir choisi de rester dans votre pays apporte déjà la preuve que vous
n’avez rien à vous reprocher ». Reginald Delva, à ce moment-là, me fait signe
que Georges portait à son épaule un équipement, qui de temps à autre
clignotait, ce qui laisserait supposer que mes déclarations ou mes réponses à ses
questions sont enregistrées.
On est maintenant devant le Pénitencier National, on s’apprête à descendre du
véhicule les deux fonctionnaires étrangers lèvent leurs mains, en l’air, en disant :
« Nous n’avons rien vu, ni rien su ». Je suis donc livré aux autorités politiques
haïtiennes, par cette mission diplomatique, pour être emprisonné. Ainsi se termine
cette première partie de ce drame que je vais vivre, pendant près de vingt-six
mois.
Un assassinat raté. La séquestration de mon chauffeur, la descente des lieux à
mon domicile et la rencontre planifiée par Bernard Gousse, avec les deux agents
diplomatiques, dans les parages de l’aéroport international Toussaint Louverture,
participent d’un plan bien concocté. Leur objectif n’était pas de
m’appréhender. C’était tout simplement un prétexte pour accréditer la thèse
que j’aurais été abattu dans des échanges de coup de feu avec la police, en
tentant de m’évader. Quelques grains de sables, introduits subtilement dans le
moteur de la machine répressive de ces nouveaux maîtres des vies et des biens
que se réclament Gousse et de Léon Charles, l’ont fait foirer.
En effet, plusieurs personnalités haïtiennes et étrangères étaient alertées que ma
vie était en danger et objet de sérieuses menaces. Trois anciens collègues
Ministres, deux militants des droits de l’homme et trois influents hommes d’affaires
étaient informés, à travers mes deux téléphones portables (407 5413 et 550 2244)
que j’étais aux mains de ces trois individus. A l’approche de la rue des casernes,
j’ai eu encore la présence d’esprit d’avertir Me Camille Leblanc, mon impayable
ami et Me Calixte Delatour, mon collègue Ministre que ma destination finale
semble être le Pénitencier National et toujours accompagné de mêmes autorités.