Jocelerme Privert

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Pour l’histoire, pour la memoire et pour la vérité, nous publions, in extenso, ce texte relatif à l’incarcération fantaisiste, arbitraire et injustifiée de Jocelerme Privert suite au renversement de l’administration du président Jean Bertrand Aristide, le 29 février 2004. Privert ayant lui-même plaidé sa cause et prouvé l’injustice dont il a été victime...

Tout a commencé par l’enlèvement et la séquestration de mon chauffeur, dans le courant de la journée du 5 avril 2004.

Le Président Jean Bertrand Aristide, forcé de démissionner et d’abandonner le pouvoir, est parti pour l’exil tôt dans la matinée du 29 février 2004. Les informations répandues dans les medias locaux laissent croire que les résidences de certains membres du Gouvernement, dont celle du Premier Ministre Yvon Neptune, ont été attaquées et livrées aux pillages. Une fois informé de cette situation dangereuse et des menaces qu’elle fait peser pour la vie et les biens des personnes identifiées comme cibles potentielles, j’ai choisi un instant, pour des raisons de sécurité, de me retirer de ma demeure et de m’installer chez un ami. Peu de jours après, avec l’arrivée de la Force Multinationale Intérimaire, le calme étant revenu dans la cité, les actes de vandalisme et de pillages ayant cessé, j’ai regagné mon domicile et me suis remis à relancer mon Cabinet de conseils et de consultations en comptabilité et en fiscalité.

Le lundi, 05 avril 2004, j’étais, toute la journée à mon domicile m’activant à reconstituer les dossiers des clients, ayant fait appel, à nouveau, à mes services professionnels. Mon chauffeur est parti faire les courses habituelles et devrait, selon l’itinéraire programmé, être de retour à la maison vers les 2 heures de l’après-midi. Il est déjà 4 heures, contrairement à ses habitudes, il ne rentre pas et n’appelle pas, non plus, pour informer d’un quelconque inconvénient. Le personnel de la maison l’appelle au téléphone en vue de s’informer des motifs de ce retard inhabituel. Les heures passent et il ne répond toujours pas. On s’achemine déjà vers les 7 heures du soir quand un de ces appels, contre toute attente, ramène au téléphone une voix inconnue, informant que le chauffeur a eu un accident et a refusé d’endosser les frais de réparation du véhicule endommagé. Cette situation nous étonne tous à la maison d’autant plus qu’elle est, tout à fait, contraire aux règlements sur la circulation en vigueur dans le pays. Comble d’inquiétude et de préoccupation, l’interlocuteur refuse de faciliter tout contact direct avec le chauffeur. J’ai vite compris qu’il s’agit d’un montage et ce dernier a été séquestré et retenu aux fins de conduire ses ravisseurs à mon domicile.


Flairant le danger qui me guette, derrière cet accident tout à fait étrange, j’ai décidé vers les 7 heures du soir d’abandonner mon domicile et de me mettre en lieu sûr, chez un ami originaire, comme moi, de Petit-Trou-de-Nippes. J’en profite, entre temps, pour multiplier des appels téléphoniques, pour m’enquérir des raisons pouvant justifier cette situation troublante. Vers les 10 heures du soir, le personnel m’informe que la maison est l’objet d’un véritable siège. Des véhicules tout terrain, non immatriculés et portant gyrophares, déversent, à l’intérieur de ma cour, leur cargaison d’hommes, tout de noir vêtus, encagoulés et lourdement armés. A l’extérieur et dans les rues adjacentes, selon les voisins, d’autres véhicules, bondés d’individus aux mêmes accoutrements, montent la garde.


De mon refuge de circonstances, j’établis des contacts avec diverses personnalités politiques et de la société civile, pour leur informer de cette descente de lieux à mon domicile. En tout premier lieu, j’appelle le Commissaire divisionnaire, Aramick Louis, ancien Directeur Départemental de l’Ouest de la PNH (DDO) et ancien conseiller au Bureau du Premier Ministre Neptune, pour les questions de Police et de Sécurité Publique. Il alerte, à son tour, le Commissaire Michael Lysius, responsable de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ). Ce dernier affirme n’être informé d’aucun ordre de perquisition à mon domicile voire d’une intervention Policière à mon encontre.


La deuxième personne à avoir été contactée est Lionel Etienne, un ami de longue date. Il occupait, à ce moment-là, les fonctions de vice-président de la Chambre de Commerce et d’Industrie d’Haïti. En plusieurs occasions il a eu à me vanter ses étroites et excellentes relations avec les responsables de la mission diplomatique française accréditée en Haïti. Déjà en novembre 2003, il avait pris l’initiative, sans me consulter, de les aborder dans la perspective de me faire laisser le pays. Il a été les voir, me disait-il, parce qu’il a la certitude que les choses ne vont pas changer et la chute du gouvernement est imminente. Sa démarche n’a pas retenu mon attention. Suite à mon appel et face à la gravité de la situation que je lui ai décrite, il rentre en contact avec ses amis de ladite mission diplomatique et me communiqué les coordonnées d’un fonctionnaire désigné pour m’assister. Ce dernier, répondant au nom de Georges est joignable au numéro de téléphone 509-525- 5280.


Tenant compte de ma longue amitié avec cet homme d’affaires, de la confiance que, mutuellement, nous nous témoignons, de la gravité de la situation et du danger auquel ma famille et moi sommes exposés, sans hésiter, j’établis le contact avec le fonctionnaire en question. Ce dernier accueille avec beaucoup d’intérêt et d’empressement mon appel. Il s’est montré très préoccupé pour ma sécurité et a demandé avec insistance à me rencontrer, le soir même. Il se dit être prêt à venir me rejoindre là où je me terre, dans un véhicule avec immatriculation diplomatique comme couverture d’extraterritorialité. Ce que j’ai tout naturellement refusé. Une telle légèreté de ma part aurait constitué une véritable menace pour cette famille qui m’a accueilli. Après maintes consultations, j’ai proposé, audit fonctionnaire, de nous rencontrer à l’entrée principale de la résidence de l’Ambassadeur au Manoir des Lauriers.


Rencontre avec des agents de l’Ambassade de France
Arrivé sur les lieux du rendez-vous, j’ai été courtoisement accueilli dans un véhicule portant effectivement une immatriculation diplomatique. Ils étaient deux dans la voiture à m’attendre. Le premier à s’identifier se présente comme Georges et il m’annonce : « maintenant, Monsieur Privert, vous êtes en sécurité. Vous êtes sur le territoire français, le véhicule porte une plaque diplomatique et est propriété de l’Etat français ».


Après les salutations et remerciements d’usage, mes premiers mots, sans ambages, ont été « vous savez qui je suis ? ». Je suis l’ancien Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales de l’administration Aristide-Neptune. Je veux être très clair avec vous sur deux choses. Tout d’abord, je n’ai eu, dans l’exercice de mes fonctions, à commettre aucun acte délicieux ou criminel, de quelque nature que ce soit et je ne cherche, non plus, à être accueilli par une ambassade étrangère. Deux faits qui m’auraient incité à fuir le pays et partir pour l’exil. J’entends rester dans mon pays et y vivre en paix et en sécurité. Après ces quelques minutes de civilités et d’échanges circonstanciés à l’intérieur même du véhicule en stationnement, nous nous déplaçons en direction du Champs de Mars où, sans aucune difficulté, le véhicule franchit le portail donnant accès à la cour de l’Ambassade.


A partir de là, nous entamons les vraies conversations. Je leur fais un récit des événements et faits vécus depuis la séquestration, suivie de tortures, de mon chauffeur jusqu’à l’invasion et la mise à sac de mon domicile. A cette phase, Monsieur Georges, de façon claire et catégorique, avance « Monsieur Privert, vous n’êtes pas en sécurité. Votre vie et celle de votre famille sont sérieusement en danger. A ma compréhension, me dit-il, plusieurs hypothèses sont à envisager, pour une meilleure appréciation de cette intervention à votre domicile.


Il y voit trois possibles. Les membres du gouvernement inquiets de mon choix de rester au pays craignant que je sois amené à faire des déclarations ou témoignages de nature à les incriminer.
Les anciens rebelles (assaillants), maintenant à Port-au-Prince et qui auraient des contentieux à régler avec moi tenant compte de l’implication du Ministère visible dans la gestion des nombreux assassinats commis par ces bandits dans diverses régions du pays.


Les agents indélicats de la Police, profitant de la situation de trouble qui règne au pays, cherchent à m’intimider intimider pour me soutirer de l’argent. Dans de telles conditions et quel que soit l’hypothèse retenue, seule la Force Multinationale Intérimaire peut, pour l’instant, garantir ma sécurité et celle de votre famille, dit-il.


A cette fin, il se propose d’établir les contacts avec les autorités politiques haïtiennes. La première personne contactée est Léon Charles, fraîchement nommé Directeur Général de la Police Nationale. Après quelques minutes de conversation, entre eux et hors du véhicule diplomatique, Léon Charles demande à me parler. C’est pour me jurer, par tous les grands dieux, qu’il n’est au courant de rien, que la PNH ne détient aucune plainte contre moi et qu’en que principal responsable de cette institution, il n’a planifié aucune une perquisition à mon domicile et encore moins autorisé l’exécution d’un mandat d’arrestations. Il promet, en fin de compte, d’en informer le Ministre de la Justice.


Léon Charles, moins de cinq minutes plus tard, rappelle pour annoncer un appel imminent du Ministre de la justice Bernard Gousse. Effectivement, quelques instants après, le portable de Georges sonne et Bernard Gousse est à l’autre bout du fil. La conversation, entre les deux hommes, s’est faite hors du véhicule et a duré une trentaine de minutes environ. Georges revient et me demande si je trouve un quelconque inconvénient à rencontrer le Ministre Gousse. Aucun, dis-je. C’est quelqu’un je connais, parfaitement et avec qui j’ai des antécédents plus tôt personnels. J’espérais, tout de même, que cette rencontre ne peut que mettre un terme, ce soir même, à cette situation angoissante. Le rendez-vous est fixé, pour des raisons qui me sont jusqu’à présent inconnues, dans les parages de l’Aéroport International. Le véhicule, alors, quitte la cour de l’Ambassade et prend la direction du lieu indiqué.


Mon arrestation par le Ministre de la justice en personne ou assassinat raté!
Mon arrestation par le Ministre de la justice en personne. Nous voilà, depuis environ trois heures de temps, en stationnement devant la partie réservée au départ des passagers de l’Aéroport International Toussaint Louverture. Toujours assis à l’arrière du véhicule diplomatique, comme un oiseau en cage, j’attends tranquillement ma rencontre avec le Ministre de la justice, avec grand espoir qu’elle m’apporte les garanties de sécurité pour vivre dans mon pays.


Il est maintenant 2h15 du matin, Bernard Gousse arrive, accompagné Reginald Delva son conseiller en sécurité et de Léon Charles Directeur Général de la Police Nationale d’Haïti (PNH). Les deux premiers me rejoignent à l’arrière dudit véhicule. Georges prend la place du conducteur qui s’éclipse et Léon Charles s’installe sur le siège avant. Les salutations d’usage terminées, Gousse ouvre les débats : Monsieur Privert, je tenais personnellement à vous rencontrer pour vous assurer que vos droits et votre dignité d’ancien Ministre seront respectés. J’ai un mandat d’arrêt pour vous. Cette annonce me surprend et me suis, tout de suite, engagé dans une conversation avec le porteur du prétendu mandat.


A ce moment-là, j’ai abordé avec eux la question de la séquestration de mon chauffeur, suivie de cette descente des lieux à mon domicile, en violation flagrante de l’article 24-3 de la Constitution.
Monsieur Bernard Gousse, ministre de la justice de mon pays, qu’on présente comme un éminent juriste, ne s’est pas, le moindre du monde, gêné d’assumer que ces hommes encagoulés, qui ont investi, pillé et mis à sac mon domicile, menacé et insulté ma mère, alors âgée de quatre-vingt (80) ans, étaient des agents de la Police Nationale d’Haïti.


Le Ministre en introduisant la conversation, en cette matinée du 6 avril 2004, m’a, seulement, annoncé qu’il détient un mandat d’arrêt contre moi. Il tenait, effectivement, entre ses mains, une enveloppe blanche qu’il n’a jamais ouverte, pour en extraire un quelconque document et révéler son contenu. Je présume qu’elle était vide. Rien ne saurait justifier qu’un mandat émis, pas un juge d’un tribunal situé à 100 kilomètres de Port-au-Prince, se soit retrouvé aux mains du Ministre de la Justice, pour exécution.


Mandat ou sans mandat, je suis désormais en état d’arrestation et toujours coincé sur la banquette arrière du véhicule diplomatique entre Bernard Gousse et Reginald Delva. Georges retourne à sa place et Léon Charles regagne son véhicule. Le Pénitencier National est la destination indiquée au conducteur qui entre temps a repris le volant.


Au cours de route Georges me pose la question suivante :
 – Monsieur Privert, est-ce de votre plein gré que vous acceptez de vous rendre ? 
– Monsieur Georges, vous m’aviez déjà dit que ma vie est en danger et que seule la Force Multinationale Intérimaire peut, pour l’instant, garantir ma sécurité. Ai-je un autre choix ?
– On s’approche du Champs de Mars, Georges revient avec la même question, Monsieur Privert, est-ce de votre plein gré que vous acceptez de vous rendre ?
– Ma position n’a pas changé, Monsieur Georges, depuis le 29 février 2004, je subis les pressions de ma famille et de mes amis pour laisser le pays. Ma réponse a toujours été non et pour les raisons suivantes:
– Je suis citoyen Haïtien. Je n’ai commis aucun crime dans le pays. Je ne suis résident d’aucun pays étranger. Je n’ai ouvert de compte bancaire ou tenu des fonds disponibles dans aucun autre pays au monde. Le seul reproche qui peut m’être adressé c’est d’avoir accepté de servir mon pays comme Ministre d’un Président démocratiquement élu et membre d’un Gouvernement jouissant d’une incontestable légitimité constitutionnelle et de lui rester loyal jusqu’à la fin. Je ne cherche ni protection diplomatique, ni asile politique. Je veux vivre en paix et en sécurité dans mon pays.


Cependant, je veux signaler à l’encre forte, si le renversement du gouvernement, ce 29 février 2004, était l’œuvre des rebelles (anciens militaires, insurgés, civils armés ou assaillants) j’aurais, même à la nage, abandonné le pays. L’intervention de la communauté internationale à travers cette Force Multinationale Intérimaire, dans un conflit interne, devrait être une garantie de neutralité, de sécurité pour tous et d’absence de toute forme de persécution et de vengeance politiques. Monsieur Privert, me dit Georges, « vous avez fait le bon choix. Le fait par vous d’avoir choisi de rester dans votre pays apporte déjà la preuve que vous n’avez rien à vous reprocher ». Reginald Delva, à ce moment-là, me fait signe que Georges portait à son épaule un équipement, qui de temps à autre clignotait, ce qui laisserait supposer que mes déclarations ou mes réponses à ses questions sont enregistrées.


On est maintenant devant le Pénitencier National, on s’apprête à descendre du véhicule les deux fonctionnaires étrangers lèvent leurs mains, en l’air, en disant : « Nous n’avons rien vu, ni rien su ». Je suis donc livré aux autorités politiques haïtiennes, par cette mission diplomatique, pour être emprisonné. Ainsi se termine cette première partie de ce drame que je vais vivre, pendant près de vingt-six mois.


Un assassinat raté. La séquestration de mon chauffeur, la descente des lieux à mon domicile et la rencontre planifiée par Bernard Gousse, avec les deux agents diplomatiques, dans les parages de l’aéroport international Toussaint Louverture, participent d’un plan bien concocté. Leur objectif n’était pas de m’appréhender. C’était tout simplement un prétexte pour accréditer la thèse que j’aurais été abattu dans des échanges de coup de feu avec la police, en tentant de m’évader. Quelques grains de sables, introduits subtilement dans le moteur de la machine répressive de ces nouveaux maîtres des vies et des biens que se réclament Gousse et de Léon Charles, l’ont fait foirer.


En effet, plusieurs personnalités haïtiennes et étrangères étaient alertées que ma vie était en danger et objet de sérieuses menaces. Trois anciens collègues Ministres, deux militants des droits de l’homme et trois influents hommes d’affaires étaient informés, à travers mes deux téléphones portables (407 5413 et 550 2244) que j’étais aux mains de ces trois individus. A l’approche de la rue des casernes, j’ai eu encore la présence d’esprit d’avertir Me Camille Leblanc, mon impayable ami et Me Calixte Delatour, mon collègue Ministre que ma destination finale semble être le Pénitencier National et toujours accompagné de mêmes autorités.


De l’illégalité de mon arrestation, de mon incarcération et de ma détention prolongée au Pénitencier National


Mon arrestation. Le Ministre de la justice et de la Sécurité Publique Maitre Bernard a procédé personnellement, dans la matinée du 6 avril 2004, à mon arrestation et à mon incarcération au Pénitencier National. Cette opération, précédée de l’enlèvement de mon chauffeur et de la mise à sac de mon domicile, n’est rien d’autre qu’une séquestration illégale et arbitraire. Le principal chef d’accusation retenu contre moi, selon les dires de Monsieur Gousse qui, en dehors de toute flagrance, s’est transformé en officier de police judiciaire, est commanditaire du « massacre de la scierie ». J’ai donc été arrêté sans mandat, par une autorité non munie des pouvoirs pour ce faire et en dehors des heures prévues par la Constitution. Donc il y a eu usurpation de titre et qualité, abus d’autorité et de pouvoir de la part de Bernard Gousse. Cette manière cavalière de se saisir de ma personne et de me priver de mes droits et libertés est une violation flagrante et caractérisée des articles 19, 21-1, 24, 24-2, 24-3, 25, 26, 26-1, 26-2, 27, 184, 185, 186, 189-1, 189-2 de la Constitution et ceux aux numéros 30, 31, 77, 79, 80 et 83 du code d’instruction criminel.


Mon incarcération au Pénitencier national. Il est entre temps 3 heures 30 du matin, escorté de Bernard Gousse, Léon Charles et Reginald Delva, je fus conduit jusqu’à une petite cellule logée au greffe de la prison. Là je fus dépouillé de tous mes effets personnels (Cartes bancaires, montres, cellulaires, ceinturons, portefeuille, chaussures etc.) Ces effets, contrairement aux règles de l’Administration Pénitentiaire, ont été purement et simplement confisqués par Léon Charles, lesquels ne m’ont jamais été retournés. Les premières formalités terminées, je suis incarcéré au Pénitencier ce 6 avril 2004 autour de 4 heures du matin. En réponse à ma requête formelle pour qu’une copie du mandat décerné contre moi, me soit remise, tel que requis par la Constitution, j’ai eu plus tôt droit à une proposition et une promesse du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique.


« Si vous me Communiquez les noms de vos Avocats, me dit-il, je me charge de les contacter pour qu’ils viennent, dès demain matin, vous assister ».
« Je demande aux responsables du Pénitencier de vous installer dans un endroit discret et sécuritaire et je m’arrangerai avec le Juge pour qu’il vienne vous entendre au Pénitencier pour vous éviter des spectacles gratuits ou des manifestations improvisées ».


Cette évacuation scabreuse d’une exigence constitutionnelle confirme, tout simplement, que Maitre Gousse n’avait effectivement aucun mandat contre moi, comme il le prétendait et que je n’étais l’objet d’aucune accusation et d’aucune plainte. Avant de laisser le Pénitencier National, gêné ou plutôt excité de son exploit, il s’est laissé jusqu’à me dire « Monsieur Privert, c’est pour votre sécurité que vous êtes arrêté ». Ce qui porte à croire que la prison est, pour les promoteurs du Nouveau Contrat Social, la meilleure formule ou l’endroit, pour protéger et garantir la sécurité d’un haut fonctionnaire de l’Etat.


En dépit d’une journée très mouvementée et d’une nuit sans sommeil, je me suis réveillé le lendemain du jour plutôt confiant que mon audition telle que promise par Me Gousse, sera réalisée le jour même et ma détention pour la cause évoquée ne sera qu’un mauvais souvenir. Après plus d’une semaine d’attente vaine, mon Avocat a été le rencontrer à son bureau, pour s’enquérir du suivi de sa promesse. Il n’a pas nié, au contraire, il rappelle qu’il est un homme de parole et qu’il respectera la promesse faite à moi ce soir. Il va dans les heures qui suivent introduire la demande auprès du Juge d’instruction. Une nouvelle semaine s’est écoulée, la copie du mandat ne m’a pas été remise et aucun juge n’est venu statuer sur la légalité de mon arrestation et incarcération. Alors, mon avocat lui adresse une correspondance formelle pour lui rappeler que ses engagements, envers moi, n’ont pas été suivis d’effet et que sous son autorité personnelle se trouvent violés mes droits constitutionnels, les plus légitimes.


Le ministre Gousse, par son mépris des dispositions de la Constitution du pays et son manque de maîtrise des rouages du système judiciaire, s’est attribué des compétences, qu’il n’avait pas et des responsabilités qu’il ne pouvait, non plus, honorer. A travers sa correspondance responsive, datée du 10 mai 2004, adressée à mon avocat, il reconnait qu’il n’a pas d’autorité pour formuler une pareille requête au juge qui seul, peut décider de venir m’entendre au pénitencier national ou me faire amener à son cabinet d’instruction à Saint Marc.


Cette réponse est caractéristique du personnage de Bernard Gousse. C’est un déni de la parole donnée. Propulsé à la tête du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, monsieur Gousse est surtout motivé par la haine qui anime son cœur et son penchant pour les violations des droits et libertés de ceux qu’il perçoit comme ses ennemis politiques. La mise en œuvre de la mission sacramentelle dudit ministère visant à protéger, servir et garantir une justice saine et impartiale à tous ceux qui vivent dans ce pays était loin d’être un objectif pour lui.


Détention prolongée. Le 5 mai 2004, j’ai complété un mois entier de détention. Aucune démarche n’avait été entreprise, par qui que ce soit, pour me faire comparaitre devant mon juge naturel, en dépit des criantes irrégularités entourant mon arrestation-séquestration. Face à ce cas flagrant de violation de mes droits et libertés, garanties par la Constitution de mon pays, j’ai, à travers mon avocat, adressé une correspondance, au juge Cluny Pierre Jules, en charge de ce dossier pour souligner ce fait à son attention. Ledit magistrat instructeur n’a pas fait cas de ma correspondance qui est restée sans réponse. Le silence des autorités judiciaires, par rapport à mes démarches légitimes, m’a convaincu, une fois de plus, que mon arrestation n’avait rien de juridique et que les autorités judiciaires de St Marc n’étaient que des instruments dociles de persécution politique entre les mains de l’Exécutif et de ses supporteurs.


Ainsi, à la fin du mois de juin 2004, après plus de trois mois d’incarcération arbitraire, illégale, inconstitutionnelle et injustifiée, j’ai, à travers mon avocat, introduit, par devant la Cour de Cassation, la plus Haute instance judiciaire du pays une demande en récusation de la juridiction de Saint Marc, pour cause de suspicion légitime. Cette juridiction, oublieuse de la sagesse profonde de son rôle républicain et de son indépendance suprême par rapport aux autres pouvoirs, a jeté aux oubliettes ce recours, alors qu’un citoyen, grand commis de l’Etat est, injustement, privé de ses droits et libertés, voilà déjà plus de huit (8) longs mois.


J’ai complété, du 6 avril 2004 au 21 avril 2005, plus de 12 mois d’incarcération au Penitencier National, sans avoir jamais été auditionné par un juge sur les motifs de mon arrestation, pour être entendu ou informé des faits qui me sont reprochés et des charges retenues contre moi.


Persécutions politiques sous forme d’offensives politiques, juridiques et tentatives d’assassinat.
Le prétendu massacre de la Scierie à Saint Marc, ayant servi de prétexte à mon incarcération, était loin d’être mes seules sources de déboires, dans la sphère judiciaire, avec ces autorités de facto. Ces dernières savaient qu’il leur serait très difficile de prouver une quelconque implication de ma personne dans une intervention policière ou politique à Saint Marc voire établir ma participation à une tuerie de masse laquelle n’a jamais eu lieu. Il leur faut, à tout prix, trouver d’autres motifs ou prétextes pour justifier mon arrestation et détention.


Offensives politiques. Des mercenaires, de toutes sortes et de tout acabit (Woodson Lemaire allias Labanyè, Sonia Noncent, Luc Ouanche, Charlienor Thompson, etc.) sont recrutés pour débiter, à mon encontre, des accusations farfelues, à travers les émissions libre-tribune. Des déclarations savamment préparées sont, soit, mises dans leur bouche, soit, enregistrées sur des cassettes audio et transmises aux médias proches du pouvoir pour diffusion dans les émissions de grande écoute. L’objectif est de détruire l’image d’honnête citoyen que je me suis créé et me faire passer pour un vulgaire criminel.


Offensives judiciaires. Les plaintes et les cas d’assignation ou de comparution au Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince tant en ses attributions civiles que pénales se multiplient. A mon très grand étonnement, je me suis vu accusé de complicité d’agression sur la personne de Pierre Marie Paquiot, Recteur de l’Université d’Etat d’Haïti, d’association de malfaiteurs, de voies de fait suivies de blessures, de destruction et d’incendie de biens meubles appartenant à l’Etat. J’ai été, en effet, conduit, devant un juge d’instruction de ce ressort pour répondre de ces accusations, suite à une lettre de plaintes des étudiants de la faculté d’ethnologie, de l’Institut Français, de la faculté de droit et des sciences économiques en date du 10 octobre 2003. Finalement le 6 avril 2006, une ordonnance signée du Juge Mimerose A. Janvier, de cette juridiction m’a renvoyé hors des liens de l’inculpation pour absence de charges et d’indices suffisants.


Une autre plainte, émanant d’un certain Nissage Sicard, se disant avocat et gardien de fait et de droit d’un mineur du nom de Dieucy Joseph âgé de 15 ans, m’a été signifiée. Elle fait référence à une demande de passeport déposée à la Direction de l’Immigration et de l’Emigration par Celanie Joseph mère de cet enfant. Les responsables de cette Direction, ayant jugé, par leur analyse, que les documents soumis étaient entachés d’irrégularités ou même frauduleux, n’ont pas délivré le passeport. Monsieur Sicard, à travers cette plainte, non seulement, m’accuse de méchanceté, d’abus de pouvoir, de mauvaise foi, de cynisme et de violation des droits de sa cliente, mais encore, réclame le versement de cinquante millions (50, 000,000.00) de gourdes à titre de dommages et intérêts au profit des requérants pour les préjudices subis.


Tentatives d’assassinat. « J’ai failli y laisser ma peau… »
Le 19 février 2005, aux environs de trois (3 :30) heures de l’après-midi, une violente attaque armée a été dirigée contre le Pénitencier National, principal centre carcéral du pays où je suis, depuis presqu’une année, détenu. La durée et la puissance de frappe de ladite attaque laisse croire qu’elle a été savamment planifiée, préparée et dirigée de l’extérieur. Comme il fallait s’y attendre, il s’en est suivi une évasion massive de détenus.


Le Premier Ministre Neptune et moi-même, en dépit de nos refus, avions été forcés de laisser nos cellules. Arnel Belizaire, notoirement connu comme un assaillant et proche du pouvoir, incarcéré lui aussi et pour d’autres motifs, est devenu notre sauveur de circonstance. Loin d’exécuter l’ordre de nous abattre à l’intérieur de nos cellules, qu’il dit avoir reçu, il s’est montré, plus préoccupé, à nous mettre en lieu sûr. Ce qu’il a effectivement fait. Nous lui devons, peut-être, la vie. La nouvelle, comme une trainée de poudre est répandue dans le pays et fait la grande manchette des principales salles de nouvelles. Cette attaque, pour les tenants du Pouvoir, est l’œuvre des chimères et « rat pa kaka Lavalas » pour libérer les prisonniers Jocelerme Privert et Yvon Neptune.


Des minutes durant, nous nous sommes retrouvés à balader à travers les principales rues de Port-au-Prince, à bord d’un véhicule ordinaire, saisi d’un chauffeur de taxi et piloté par Bélisaire lui-même. Nous avons croisé sur notre parcours des patrouilles de diverses unités de la Police Nationale. Nous étions à la merci de n’importe quel commando. Les risques pour notre sécurité et intégrité physiques étaient énormes. Finalement, Hans Allen Théophilé, détenu lui aussi pour le meurtre de Didier Mortet, un ressortissant français, propose qu’on se rende à son domicile à Debussy. Sa résidence, en effet, offrait une certaine garantie de sécurité, par la présence visible de l’emblème du Chili que son statut de Consul honoraire de ce pays lui permettait d’arborer bien en évidence. Peu de temps après sa libération, HAT s’est malheureusement suicidé. Paix à son âme.


Une fois à l’abri de représailles et lynchages que préparaient, contre nous, les tenants du Pouvoir, le Premier Ministre, à la grande déception de son protecteur improvisé, d’un ton ferme et déterminé, déclare : « Arnel, je vous remercie de votre protection et de votre assistance, vous savez que le Ministre Privert et moi, nous n’avons pas le droit de nous évader, il me faut, en urgence, un téléphone pour alerter la communauté internationale et retourner immédiatement au Pénitencier National ». Un téléphone a été effectivement rendu disponible et la première personne à avoir été contactée fut l’Ambassadeur du Chili, Monsieur Marcel Young, qui a communiqué à Neptune les coordonnées du chef de la MINUSTHA d’alors, Monsieur Juan Gabriel Valdes.


Monsieur l’Ambassadeur Valdes, annonce l’ancien Premier Ministre, « il vient d’avoir une attaque armée contre le Pénitencier national, je suis avec le Ministre Privert dans les rues, il nous faut immédiatement retourner dans nos cellules ». Moins de 30 minutes plus tard, à la grande déception des autorités de facto d’Haïti qui voulaient nous imputer la responsabilité de l’évasion, un contingent de l’armée brésilienne a pris le contrôle du lieu où nous nous sommes refugiés. Ce contingent militaire a été suivi d’une délégation d’autorités civiles internationales dirigée par le Représentant du PNUD, Monsieur Adama Guindo, pour discuter et négocier notre retour en prison. Ladite délégation, sur demande d’Hérard Abraham, Premier Ministre de facto ai, prétextant les conditions de sécurité au Pénitencier national, la mise à sac de nos cellules, les risques de nouvelles attaques, nous a fait plusieurs propositions, telles, nous installer à la prison civile de Pétion-Ville ou encore au siège de la UNPOL à l’Hôtel Villa Saint Louis etc.


Ces propositions ont été, systématiquement, rejetées. Le pénitencier national a été notre demeure pendant déjà douze mois. Il doit la rester. On n’accepte pas cette relocation que rien ne justifie. Il s’agissait de toute évidence d’une machination de nature à accréditer la thèse des autorités haïtiennes, d’évasion planifiée par les « chimères lavalas » pour libérer Neptune et Privert.
Apres plusieurs heures de palabres et de négociations, les autorités n’avaient plus de choix. Elles devraient nous reconduire dans nos cellules au Pénitencier national. Il est, entre temps, onze (11) heures du soir. Le cortège laisse le domicile de HAT avec trois détenus à bord. Notre réinstallation au Pénitencier n’a pas été automatique. La procédure d’hébergement va encore durer encore quelques bonnes heures. La tentation de nous imputer la responsabilité et de nous faire payer les conséquences de l’évasion, n’a pas disparu.


Finalement à une (1) heure du matin, nous avons a été autorisés à entrer au centre carcéral, pour constater que nous avions été déménagés de nos anciennes cellules, plutôt individuelles, pour être confinés, avec notre compagnon d’infortune (HAT), tous les trois dans une même cellule.
Dès les premières heures, le lendemain du jour, nous avons tout de suite compris que bien des choses avaient changé. Les contacts avec l’extérieur étaient presque supprimés, les visites des membres de nos familles sont désormais assorties de lourdes restrictions, les déclarations mensongères et méchantes des autorités étaient appuyées sur place par des invectives, menaces ou arrogances de certains agents pénitentiaires. J’ai dû à la date du 24 février 2005, à publier une note de presse, pour démentir et dénoncer les allégations mensongères véhiculées par le pouvoir de fait pour continuer à violer, de la façon la plus ignoble, mes droits et libertés.


En réaction, à cette nouvelle réalité qui nous était imposée, nous avons décidé d’observer une grève de faim totale jusqu’à notre retour à la situation d’avant l’évasion. Vu la dégradation de notre état de santé, suite aux conséquences de la grève, et sur les recommandations de la Section des droits de l’homme de la MINUSTHA et des représentants de la Croix Rouge Internationale, les autorités de facto ont dû accepter notre transfert sous la surveillance d’agents pénitentiaires, dans des centres hospitaliers pour recevoir les soins que nous nécessitions. Apres un long séjour à l’hôpital, sur recommandation expresse des membres de la communauté internationale, les autorités de facto ont été contraintes de nous héberger ailleurs.

Les dessous de l’affaire de la scierie.
Au cours des premiers moments de mon arrestation, j’étais assez naïf de croire que cette scène grotesque n’allait durer que l’espace de quelques heures. Un ministre de la justice, jouant le rôle d’agent de police, procédant en personne à l’arrestation d’un ancien Ministre, c’est causasse. Le premier juge qui aura à m’interroger ne pourra que constater l’illégalité de l’arrestation et l’inexistence de l’accusation. Ma détention, n’en déplaise aux fabulateurs de tous genres, ne devait excéder les 48 heures indiquées par la Constitution.


En effet, j’étais très loin de comprendre les vrais motifs de mon arrestation. Ce n’était pas une question de justice. Les tombeurs d’Aristide avaient besoin de motifs pour justifier aux yeux du « monde libre et démocratique » (Congrès américain particulièrement le Black Caucus, l’OEA et la CARICOM) l’utilisation des bandits armés (militaires démobilisés, civils armés, trafiquants de drogue) pour renverser un Président démocratiquement élu et jouissant d’une indiscutable légitimité populaire. Il leur fallait des actions d’éclat pour faire croire que le Régime Lavalas, au plus haut niveau, était surtout constitué de trafiquants de drogue, de kidnappeurs et d’assassins. Mon arrestation suivie quelques mois plus tard par celle du Premier Ministre Yvon Neptune, participe, donc, de cette volonté de justification de leur démarche « démocraticide ». J’étais donc, de par ma position de Ministre de l’Intérieur, le parfait bouc émissaire.


Le Gouvernement français. L’ambassade de France qui s’est, prétendument, portée à mon secours, a planifié ma rencontre avec Gousse, assisté à toutes les phases de mon arrestation et m’a transporté jusqu’aux portes du Pénitencier National. Personne n’est dupe quant au rôle joué par ce pays « dit ami d’Haïti » dans ce complot ayant abouti au renversement du Président Aristide et dont l’objectif principal n’était autre que le sabotage des festivités commémoratives du bicentenaire de l’indépendance nationale. Quelques années, plus tard, je discutais de cette question avec un diplomate français. Il pouvait seulement, selon les explications reçues de ses prédécesseurs, caricaturer leur intervention en se référant à l’histoire d’un chat et d’une petite souris. « Le chat s’apprêterait à foncer sur la souris pour la dévorer. Une vache qui passait dans les environs, contre toute attente, laisse tomber ses excréments qui recouvrent le petit animal, empêchant donc au chat de déguster sa proie ». Chaque acteur, conclut-il, est libre de juger et de dire lequel de ces deux animaux, par leur attitude, s’est montré plus sensible au sort de la petite souris.


Le Gouvernement canadien. Il faut renverser Aristide. Et ce n’est pas l’opposition haïtienne qui le réclame, mais une coalition de pays rassemblés a l’initiative du Canada. Telle a été en substance les conclusions de la rencontre tenue sur les bords du Lac Meech, dans le Parc de Gatineau par Denis Paradis, secrétaire d’Etat du Canada pour l’Amérique latine, l’Afrique et la Francophonie, avec les représentants des pays invités à participer à ce qu’il appelle « Initiative d’Ottawa sur Haïti. L’hostilité du Gouvernement canadien envers celui d’Aristide était manifeste et nombre de ses dirigeants (Ministres, Députés etc.) ont eu, à travers leurs prises de position publique, à faire le plaidoyer pour la mise sous tutelle d’Haïti, par les Nations Unies.


Le Président Aristide, tel que les autorités canadiennes l’avaient annoncé, a été effectivement renversé mais un petit peu plus tard qu’avant le premier janvier 2004, initialement programmé. Les Forces Armées canadiennes, bien évidemment, étaient présentes au sein de la Force Multinationale Intérimaire, arrivée au pays, dans les tous les premiers jours du départ d’Aristide, suite à la résolution 1529 du Conseil de sécurité des Nations Unies, adoptée le 29 février 2004. Ladite force, constituée de contingents militaires venus de trois autres pays (Etats Unis d’Amérique, France, Chili), a pris le contrôle sécuritaire du pays jusqu’au déploiement en juin 2004 de celle de maintien de la paix autorisée par la résolution 1542 du 30 avril 2004.


Les autorités canadiennes avaient déjà annoncé les couleurs, à travers cette déclaration grossière et outrageante de Denis Paradis « Si les autorités canadiennes traitaient leurs animaux comme les autorités haïtiennes traitent les citoyens, on les mettraient en prison ». Le génocide de la Scierie est cette monstruosité créée, de toute pièce, par les autorités issues de ce coup d’Etat contre la démocratie avec l’appui de celles du Canada, pour justifier cette campagne de persécution politique dirigée contre les membres du gouvernement d’Aristide et les partisans de Fanmi Lavalas. Le National Coalition for Haitian Right (NCHR), a été retenu pour être bras exécutant de cette basse œuvre. Rien d’étonnant que le montage qu’elle a élaboré ait été financé, par l’Agence Canadienne pour le Développement International (ACDI).


Cette prétendue organisation de défense des droits de l’Homme s’est évertuée, avec beaucoup de cynisme, à transformer le Rassemblement des Militants Conséquents de Saint Marc (RAMIKOS), notoirement connus comme une association de criminels et de bandits en Association des Victimes du Génocide de la Scierie (AVIGES). Les fonds reçus de l’ACDI ont servi à doter cette nouvelle association (AVIGES), plaignante dans cette affaire de la personnalité juridique, à réaliser une campagne agressive de lynchage médiatique des personnes incriminées et verser de très substantiels honoraires aux nombreux avocats engagés par le NCHR pour assister les prétendues victimes.


Les Etats Unis d’Amérique.
Le comportement des Etats Unis dans cette crise et dans cette saga la Scierie a été plutôt mitigé. Le Gouvernement comme l’opposition avait leur support au niveau des plus hautes sphères de la République étoilée. Chaque groupe activait leur firme de lobbyiste pour promouvoir leur image. Le Gouvernement des Etats Unis d’Amérique, avec un Républicain à sa tête, peut bien avoir d’autres raisons de ne pas supporter voire aider à réussir une Présidence d’Aristide mais ne saurait entreprendre aucune action publique visant le sabotage de la célébration du Bicentenaire de l’Indépendance d’Haïti. Les raisons sont évidentes.


Le détachement de la colonie de Saint-Domingue du joug de la France, devenue par sa proclamation du 1er janvier 1804, la première République noire indépendante du monde, est intervenu à seulement vingt-huit années de celle des Etats-Unis d’Amérique. Les deux pays ont un destin commun.
C’est la terre d’accueil, par excellence, des compatriotes haïtiens. Ils sont des centaines de milliers à vivre dans ce pays et à faire vivre, par leur transfert, leurs proches restés en Haïti. La polarisation politique sur le plan local se reproduit aussi dans ce pays.


L’Amérique qu’on l’aime ou on ne l’aime pas est le champion de la démocratie et le modèle parfait du principe de la séparation des pouvoirs.
L’opposition sur le plan local était supportée publiquement par le parti républicain à travers l’International Republican Institute (IRI). C’est à l’initiative de cette institution que cinquante leaders de la Convergence démocratique se sont rendus en République dominicaine où s’étaient réfugiés Guy Philippe et sa bande au lendemain même de l’attaque armée contre le Palais National, résidence officielle du Chef de l’Etat. Simple coïncidence, dirait-on. Ils y ont été pour faire quoi et rencontrer qui?


Le Gouvernement, pour sa part, jouissait du support et de la sympathie de nombre de membres influents du Congrès américains. On a encore en mémoire, l’image de l’Ambassadeur américain accrédité en Haïti et celle du sous-secrétaire d’Etat pour l’hémisphère, témoignant et expliquant avec difficultés des interventions et actions de l’IRI, représenté en Haïti par l’activiste Stanley Lucas, dans la déstabilisation du pouvoir.


Dans le cadre de l’affaire de la scierie, à part la présence des soldats américains montant la garde au Pénitencier dans les tous premiers jours de mon arrestation, on n’a pas trop senti l’implication des officiels américains dans la gestion de ce dossier. Bien au contraire, ils étaient les seuls, à un autre niveau, à exprimer une certaine préoccupation par rapport à la prolongation injustifiée de notre détention et à maintenir un contact étroit avec nous. C’est dans cette logique qu’il faut considérer les quelques visites ponctuelles de l’ambassadeur Foley et d’autres membres de l’Ambassade au Premier Ministre Neptune.


Le 12 novembre 2004, Madame Maxime Waters, membre du congrès américain, adressait une correspondance au Président des Etats-Unis d’Amérique. Elle exprimait, à travers cette correspondance, dont une copie a été transmise au Secrétaire d’Etat, au Secrétaire à la Défense et au Conseiller à la Sécurité National, ses plus graves préoccupations par rapports aux dangers auxquels le Premier Ministre et moi-même étions exposés. Bien plus, elle a dirigé, à la date du 7 mars 2005, une imposante délégation venue nous visiter et s’entretenir avec nous au Pénitencier National.


Le lundi 7 mars 2005, une imposante délégation, constituée de personnalités politiques, de militants et activistes des droits de l’homme et de membres du Congrès et du Sénat, est rentrée des Etats-Unis d’Amérique pour exprimer leur solidarité aux prisonniers politiques et exiger leur libération, sans condition.


La construction de mon implication dans cette fabulation. Je suis maintenant détenu comme complice, commanditaire et même auteur intellectuel d’une tuerie de masse à Saint Marc. J’ai l’intime conviction n’avoir participé à aucune réunion concernant une quelconque opération et encore moins d’avoir eu à me rendre dans cette ville pour une mission de ce genre. D’ailleurs, comment puis-je être impliqué, voire dénoncé par la clameur publique, dans un événement auquel je n’ai eu aucune connaissance de sa survivance voire même une participation directe ou indirecte. La seule visite, que j’ai eue à réaliser à Saint Marc, date de 2003. Elle rentrait dans l’exercice de mes fonctions de Président du Secrétariat Permanent de Gestion des Risques et des désastres et faisait suite à de graves inondations dans cette ville ayant provoqué d’importants dégâts humains et matériels.


Dans une perspective de préparation de ma défense, je me suis mis à rechercher une déclaration que j’aurais faite, une action que j’aurais posée ou une négligence de ma part qui aurait provoqué la mort de tant de personnes. Je me suis mis alors à relire les différents tirages du quotidien, Le Nouvelliste, publiés au cours du mois de février 2004 et à réécouter certaines déclarations véhiculées dans les medias locaux pendant cette même période. Les déclarations des principaux acteurs, insérées dans certains articles du quotidien de la rue du Centre offrent une meilleure compréhension de ce qui s’était réellement passée à Saint Marc.


La visite du Premier Ministre Neptune à Saint Marc. Les organes de presse relatent des visites qu’avait effectuées le Premier Ministre Yvon Neptune, dans la journée du 9 Février 2004 dans deux Villes proches de la Capitale ou des commissariats de police ont été incendiés (Grand Goâve et St Marc). Le Premier Ministre n’avait aucune obligation, ni de m’en informer, ni de me demander de l’accompagner dans ces tournées. Je dirais que c’est même de sa responsabilité, en sa qualité de chef du Gouvernement et de Président du CSPN, de se rendre dans ces villes, ne serait –ce que pour manifester sa solidarité d’abord avec les Policiers victimes voire prendre des dispositions pour rétablir l’ordre dans la cité.
Association des Victimes du Génocide de la Scierie (AVIGES). Le nouveau pouvoir, sans légitimité populaire et constitutionnelle, est dans l’urgent besoin de créer un événement majeur, un grand scandale voire un crime crapuleux pour se justifier. Il leur faut aussi trouver des volontaires, acceptant de jouer le rôle de victimes, pour porter plainte et accuser les membres du Gouvernement renversé. Il leur faut surtout trouver des gens sans scrupule et monnayable a volonté, pour faire la sale besogne d’identifier et indexer les personnalités à accuser et a vilipender. Cette tâche a été, tout naturellement, confiée Marie Yolene Gilles, responsable de la tristement célèbre National Coalition for Haitian Right (NCHR).


DU RAMICOSM à AVIGES. Le RAMICOSM, réputé proche de l’opposition, est notoirement connu comme étant une organisation de bandits et de délinquants. Ses membres, au même titre que ceux BALE WOUZE se réclamant de Fanmi Lavalas, sont impliqués dans les tous actes de terreur (assassinats, incendies, pillages) enregistrés entre 2003 et 2004) dans cette ville. A l’initiative de la NCHR, le RAMICOSM, dirigé par les nommés Jean Hugues Narcisse et Charlienor Thompson s’est transformé en une association humanitaire cyniquement baptisée « Association des Victimes du Génocide de la Scierie (AVIGES) ». Les rebelles, assaillants et insurgés d’hier, responsables de la prise d’assaut et de l’incendie du Commissariat de Police de Saint Marc, de libération des prisonniers de droit commun et d’assassinats de simples citoyens, sont devenus, du jour au lendemain, victimes et plaignants. La visite du Premier Ministre à Saint Marc, dans une démarche de reprise d’entre les mains des insurgés du RAMICOS, du Commissariat de Police de cette ville, a servi de prétexte à Marie Yolène Gilles, pour créer une monstruosité à laquelle, les qualificatifs ne manquent pas. Les mots les plus souvent utilisés sont massacre, boucherie et cyniquement Génocide.


Un article publié dans le numéro du 5 février 2004 de le Nouvelliste rapporte, à propos du RAMICOSM, cette déclaration Anne Fuller coordonnatrice à l’organisation de la NCHR : « A Saint Marc le même jour une grande foule dirigée par RAMICOSM, selon des journalistes, a pris d’assaut le Commissariat principal de Police et a libéré tous les prisonniers qui y étaient détenus. Les rues étaient barricadées et des centaines de personne ont pillé des containers de marchandises qui se trouvaient au Port. On fait état de deux personnes tuées, ce jour-là (5 février 2004), l’une d’entre elles est Linda Senatus 34 ans. Les forces de l’opposition ont contrôlé la ville pendant deux jours. ».


Le numéro 36863 du 16 février 2004, rapporte une déclaration faite par Nancy ROC animatrice de l’émission Métropolis de Radio Métropole. Il est écrit « Ce qu’il faut comprendre aujourd’hui, c’est que l’insurrection de ces derniers jours n’est certainement pas le fruit d’un mouvement spontané mais bien celui d’une réflexion longuement préparée et planifiée. Le Gouvernement avait-il raison de dire que l’opposition avait un bras armé. Ceci dit de nombreuses questions restent posées quant à la non-implication absolue de l’opposition dans cette insurrection. Les actions des partisans du RAMICOSM, proche de l’opposition, ne sont pas faites pour nous rassurer ».


Le Nouvelliste du vendredi 8 au dimanche 10 avril 2005, c’est au tour de l’expert indépendant des Nations Unies pour les Droits de l’Homme, le Magistrat français Louis Joinet, de livrer les conclusions de sa propre enquête sur les événements de février 2004 à Saint Marc. Ses conclusions, rendues publiques au cours d’une conférence de presse tenue le 7 avril. Selon Joinet, les événements n’étaient rien d’autre qu’un affrontement entre deux bandes rivales pour le contrôle du Port de Saint Marc. « Contrairement à ce que rapportent les militants des Droits de l’Homme qui qualifient cet acte de crime contre l’humanité, Louis Joinet croit qu’ils exagèrent et privilégie la thèse de l’affrontement entre les partisans d’Aristide du BALE WOUZE et les opposants du RAMICOSM, « On n’est pas au Rwanda ici, moi j’ai fait le Rwanda ».


De mon audition
Finalement après plus de douze mois d’incarcération, j’ai été conduit à Saint Marc pour être entendu par le juge instructeur. Il était 10 heures du soir, ce dimanche 17 Avril 2005, encore alité, en raison de mes vingt- cinq jours de grève de faim, quand j’ai été informé, par les Responsables de l’APENA, des instructions qu’ils avaient reçues pour me conduire à Saint Marc le lendemain du jour, le lundi 18 avril à 5 heures du matin. Je ne pouvais à cette heure-là et dans de telles circonstances disposer de vêtements adéquats pour une présentation publique. J’ai donc été, malgré moi, amené de façon ignoble et dégradante au Cabinet du Magistrat-instructeur. Ce que la presse a donc largement, selon leurs motivations et intérêts, commenté et interprété. Je ne pouvais non plus bénéficier de l’assistance de mon Avocat. Je me suis donc présenté seul devant le juge qui en a fait le constat. J’ai signifié au Juge mon refus systématique de répondre à ses questions sans la présence de mon Avocat. Cette première convocation, par devant le juge d’instruction Clunie Pierre Jules, en charge de ce dossier, s’est déroulée en présence d’un observateur de la MINUSTHA pour les droits de l’homme qui était loin d’être le témoin de mon choix.


Le lundi 23 Mai 2005, vers les 4 heures de l’après-midi, j’ai été une nouvelle fois, par le biais du Directeur de l’APENA, informé d’une nouvelle convocation pour le mardi 24 et l’heure de départ est encore fixée à 5 heures du matin.
J’ai dû convaincre mon Avocat, visiblement malade, de m’accompagner. Ce qui fut fait. Les formalités d’usage terminées, l’audition, proprement dite, a démarré.


Une fois, l’audition terminée, mon Avocat a adressé, en mon nom, une requête en main levée d’écrou. Cette demande, en tout point, conforme à la législation en vigueur, a été reconnue opportune et justifiée, vu l’évidence de ma non implication dans ledit dossier. A l’issue de l’audition, la juge Clunie Pierre Jules qui instruit cette affaire a eu le courage de me faire la confidence suivante « Monsieur c’est seulement hier que j’ai pu confirmer que vous n’étiez pas à Saint Marc, effectivement, le jour des événements et que vous n’aviez rien à y voir ». Une fois encore les motivations politiques vont avoir raison sur le droit et la loi. C’est encore ce même magistrat qui, à travers une ordonnance datée du 14 juin 2005, va, contre toute attente, rejeter ma demande de main levée d’écrou. Ladite décision me sera signifiée le 12 Juillet 2005.

Les multiples tentatives de libération. Le jeudi 26 mai 2005, j’ai reçu dans ma cellule la visite de Monsieur Thierry Fagart, responsable de la section des droits de l’homme de la MINUSTHA qui m’informe que le Gouvernement finalement a accepté de faire libérer au moins deux (2) d’entre vous, dès cette fin de semaine ». Il s’agit de toute évidence de Neptune et de moi-même. J’ai informé mon avocat et ma femme de cette nouvelle réjouissante et j’ai commencé à libérer ma cellule des éléments non essentiels.
Dans l’après- midi du lundi 30 mai 2005, c’est un Thierry Fagart, visiblement déçu, qui vient le constat, qu’en dépit des promesses formelles du Premier Ministre Gérard Latortue, nous n’avons pas été libérés.
Pierrot Délienne, Chef de Cabinet du Premier Ministre Gérard Latortue, est venu aussi un jour me proposer, au nom du Chef du Gouvernement, une offre de libération conditionnelle, suite à des négociations tenues avec les plaignants. Il me fallait seulement réintroduire une demande en liberté provisoire. Le lendemain du jour les démarches initiées par Monsieur Délienne avait fait les grands titres de l’actualité.


Le vendredi 17 juin 2015, Monsieur Pierre Petitgrou, Ministre des Affaires Etrangères du Canada, est en visite officielle au pays. Je suis informé, la veille, qu’il est prévu, dans son agenda, une rencontre avec Neptune et moi-même à notre centre de détention à Pacot. A l’heure indiquée, le cortège du Ministre est effectivement au rendez-vous. Il voit Neptune en premier. La rencontre n’a duré qu’une minute. A la pointe des pieds l’Honorable visiteur se retire. Il s’en va, toutes affaires cessantes, voir Bernard Gousse. Coup de théâtre, ce même 17 juin Bernard Gousse a remis le tablier.


Quelques temps, plus tard, c’est Monsieur Henry Marge Dorléans qui a succédé à Bernard Gousse, aux commandes du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, de proposer à ses collègues du Conseil des Ministres, une proposition de résolution d’amnistie, dans la perspective de nous faire sortir de prison. La démarche de Dorléans n’a pas fait l’unanimité. Elle a échoué à deux niveaux. Ses collègues Ministres ne l’ont approuvée, en raison de leur hostilité, haine, hargne et instinct de vengeance contre les proches de lavalas. Nous les concernés, non plus, et moi en particulier, je ne pouvais accepter d’être amnistié d’un crime dont, non seulement je rejette publiquement toute implication, donc mon innocence et plus encore, pour lequel je ne suis pas et ne pourrais être, non plus, condamné.


Finalement après 18 mois d’instruction de l’affaire qui ne devrait, aux termes de l’article 7 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’Appel Pénal, dépasser trois (3) mois, une ordonnance de clôture a été rendue, soit le 14 septembre 2005. Cependant dès le lundi 19 Septembre 2005, des organes de presse avaient déjà reçu copie de ladite ordonnance émise par le Magistrat Instructeur et ces derniers commençaient à la même date à publier des extraits, alors que, principal intéressé, je ne serai signifié, des décisions retenues contre moi, que le mercredi 28 Septembre 2005.


RECOURS EN APPEL CONTRE L’ORDONNANCE ET MA LIBERATION.
Ouverture des audiences à la Cour d’Appel des Gonaïves. L’ordonnance de clôture de l’instruction de l’affaire par le juge Clunie Pierre Jules, du Tribunal de Première Instance de Saint Marc, m’a été signifiée. Nonobstant les réserves formulées par le Commissaire du Gouvernement près ledit Tribunal, dans son réquisitoire définitif, je suis renvoyé par devant une juridiction de jugement. Convaincu du caractère scélérat et partisan de la décision de ce magistrat acquis à la cause des prétendus plaignants, j’ai formellement, agissant par mon Avocat et conformément aux articles 8, 9 et 10 de la loi du 26 juillet 1979 sur l’Appel Pénal, interjeté appel contre cette ordonnance.


Une assignation datée du 10 octobre 2005 a été signifiée par voie d’huissier au Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première instance de Saint-Marc. A travers cet appel j’ai clairement exprimé mes réserves les plus formelles contre cette ordonnance rendue par le Juge d’instruction de ce Tribunal, instruisant uniquement à charges, contrairement aux prescrits de la Constitution et du Code d’Instruction Criminelle garantissant le principe de la présomption d’innocence et l’égalité des Citoyens devant la Loi.


Cependant une nouvelle fois mes droits inaliénables à la liberté et à une justice saine et équitable seront foulés aux pieds. Le Ministère public, nonobstant le délai de 48 heures fixé à l’article 14 de la loi précitée, va laisser jouer le temps. La Cour d’Appel des Gonaïves, d’où relève ce Tribunal de Première Instance de Saint Marc, ne sera finalement saisi de l’affaire qu’au mois de mai 2006.


En effet, le 21 mai 2006, comme le veut la règle, j’ai été transporté avec les autres détenus aux Gonaïves, pour l’ouverture des audiences à la Cour d’Appel. J’étais accompagné de mon avocat, Maitre Emmanuel Clersaint, de regretté mémoire, assisté de mon impayable ami Maitre Camille Leblanc et de mon infatigable frère des moments difficiles, Claude Péan, relayé quelque fois par son deuxième, fils Romeo Péan, assassiné le jour même de ma sortie de prison. Une perte incommensurable pour nos deux familles. Toutes les parties concernées ont répondu présent aux différentes audiences tenues sur cette affaire jusqu’à sa clôture.


A la phase de présentation de mes griefs, contre l’ordonnance de Clunie Pierre Jules, j’ai sollicité du Tribunal, nonobstant la présence de mes avocats et conseillers juridiques, l’autorisation de plaider moi-même ma cause. Je me suis adressé, en ces termes, à la sagacité des Honorables Juges de cette cour.
Mes réserves « aux attendus que » inscrits dans l’ordonnance du magistrat instructeur. Je me présente ce matin devant votre auguste Cour après avoir complété plus de 25 mois d’incarcération cruelle, arbitraire et injuste. En effet, par suite d’une opération ignoble et indigne d’un homme d’Etat (séquestration- arrestation) perpétrée, dans la nuit du 5 au 6 avril 2004, en violation de la Constitution et des lois de la République, j’ai été déposé et abandonné au Pénitencier National. Aujourd’hui encore je me demande : pourquoi suis-je en prison ? Qui a décidé que je dois être en prison ? Pour quel motif ? Pour quel crime ? Quelles sont les charges retenues contre moi ? Et, Où sont les preuves ?


Ce n’est un secret pour personne, j’ai été arrêté, de manière arbitraire et illégale, le 6 avril 2004 à 3 heures du matin, sans mandat et sans motif, par Maître Bernard Gousse en personne, lors Ministre de la Justice du Gouvernement intérimaire, après l’invasion, suivie de la mise à sac et du pillage systématique de mon domicile, par une quarantaine d’individus lourdement armés, masqués et encagoulés. Ces individus qui ont, ce même jour, enlevé, séquestré et torturé pendant des heures (2h pm à 11h pm) mon chauffeur pour le forcer, aux environs de 10 heures du soir, à les conduire à mon domicile et ont également agressé physiquement et verbalement ma mère, alors âgée de 80 ans, furent, par la suite, identifiés par Bernard Gousse comme «Agents de la Police Nationale d’Haïti ». Cependant leurs identités n’ont jamais été déclamées.


Une fois le forfait réalisé, pour des raisons pernicieuses et perverses, mon nom a été subrepticement cité dans un événement, dont j’ignore, jusqu’à aujourd’hui, encore, les tenants et les aboutissants, et, par rapport auquel je n’ai eu aucune relation tant directe qu’indirecte.


Pendant ces 25 mois de détention injuste et injustifiée et dans des conditions humiliantes et dégradantes, des persécuteurs anonymes, comme frappés d’hystérie, se sont évertués, sans vergogne, à flétrir l’image et la réputation d’homme intègre, honnête et respecté, que je me suis forgée, au prix de lourds sacrifices, dans ce pays d’exclus, de marginalisés, de laissés-pour-compte. Pour accomplir leur sale et alléchante besogne, rien n’a été laissé au hasard : lynchage médiatique, allégations calomnieuses et mensongères, insinuations malveillantes et méchantes, colportages éhontés et sans fondement. Ainsi m’ont-ils, injustement, fait porter, pendant près de deux ans, les chapeaux de commanditaire, d’auteur intellectuel, de chef d’orchestre et de planificateur d’une comédie grotesque, exotique et ridicule, qualifiée, par eux-mêmes, de génocide de la Syrie. Ils ont été, dans leur cynisme, jusqu’à créer, au mépris de la morale, de l’intelligence humaine et du sens du respect de la vérité une association, impudiquement, baptisée «  Association des Victimes du Génocide de la Syrie (AVIGES) » : Heureusement le temps, comme disait l’autre, le temps use le mensonge mais polit la vérité.


Après 20 mois d’enquête approfondie portant sur le prétendu massacre de la Scierie, l’ordonnance de renvoi du Juge d’instruction, Maître Clunie Pierre Jules n’a révélé aucun fait pouvant démontrer que j’ai, eu une quelconque participation ou joué un quelconque rôle dans l’organisation, la planification et l’exécution d’un tel événement. Mes accusateurs, dénonciateurs, calomniateurs et pourfendeurs n’ont pas administré, non plus, la preuve matérielle de l’aide, qu’avec force et conviction, ils déclaraient que j’aurais accordée à une organisation (Bale Wouze) avec laquelle je n’ai entretenu aucune relation. Ils ne pouvaient le faire non plus.


Je suis, depuis 25 longs mois, privé de liberté et du droit à la parole et maintenu injustement en prison, sans charges et sans raison aucune. J’entends aujourd’hui, pour l’histoire et pour la vérité, profiter de cette tribune, pour démontrer, à la face du monde, l’injustice qui m’est faite, dénoncer, une fois pour toute, cette campagne ignoble de médisance et méchanceté déclenchée contre moi depuis plusieurs mois et demander que toute la lumière soit faite sur les vrais mobiles de l’association de mon être à ce montage criminel et macabre ayant conduit à mon arrestation et à ma détention.


Les faits que je vais exposer, dans cette déclaration, sont conformes au droit et à la vérité. La loi m’y autorise et me garantit ce droit. Il ne s’agit là, ni de la fiction, ni les élucubrations d’un ancien responsable, aux abois, cherchant désespérément à se disculper de ses erreurs, de ses négligences ou de ses abus. Ils se veulent la preuve irréfragable du refus net et catégorique d’un citoyen, qui a servi l’Etat et son pays avec droiture et rectitude au plus haut niveau, blessé dans son orgueil, d’accepter que son honneur, sa dignité, son respect et l’honorabilité de sa personne ainsi que de sa famille personne, soient souillés et foulés aux pieds par des politiciens et des délateurs vénaux, utilisant le mensonge, la calomnie, la médisance et la diffamation, comme arme de vengeance politique. N’est-ce pas, l’ancien Assistant Secrétaire Général de l’Organisation des Etats Américains (OEA), l’Ambassadeur Luigi Einaudi, commentant cette situation, disait justement: que le problème de Haïti c’est que « le mensonge et la désinformation sont une arme de guerre politique »


Mes réserves à certains attendus que. Mes réserves et réponses aux principaux « attendus que » contenus dans l’ordonnance de clôture du Magistrat instructeur, me concernant.

  1. « attendu que le fait de ne pas intervenir, même, pour condamner les actes barbares de Bale Wouze est une attitude d’encouragement, un appui, un support, une aide».
    Les fausses manœuvres utilisées, pour camoufler les persécutions politiques dirigées contre moi et justifier mon incarcération et ma détention, ne pouvaient plus tenir après une instruction qui a duré plus de 18 mois. Cet attendu que, introduit malicieusement dans l’ordonnance de clôture du Magistrat Instructeur, n’est rien d’autre qu’un prétexte pour me maintenir en détention, en dépit de toutes les évidences prouvant, de façon non équivoque, ma non implication dans cette farce.
    1.1 « Attendu que le prévenu Jocelerme Privert a été dénoncé par la clameur publique d’implication dans le massacre de la Scierie ainsi que par l’inculpé Roland Dauphin qui, au cours de l’information préliminaire par devant le Juge de Paix a déclaré spontanément qu’il entend parler en présence de Yvon Neptune et de Jocelerme Privert »
    Contre cet attendu que, je déclare péremptoirement que, contrairement à ce qui est dit l’ordonnance de clôture du Magistrat Instructeur, je n’ai été l’objet d’aucune dénonciation par la clameur publique pour aucun événement à avoir eu lieu à Saint Marc ou autres communes du pays. Je rappelle que c’était de notoriété publique que des Commissariats de Police, dans plusieurs villes du pays, étaient sous l’emprise des rebelles et des assaillants.
    Celui de Saint Marc, selon les informations relayées dans la presse locale, a été pris d’assaut le 9 février 2004, par des assaillants supportés par les membres du Rassemblement des Militants Conséquents de Saint Marc (RAMICOSM), connu aussi comme une organisation armée. La Police Nationale d’Haïti, dans la journée du 11 février 2004, a conduit une opération visant à les déloger dudit Commissariat. C’est cette intervention policière, en tout état de cause légitime, que la NCHR, sans pouvoir identifier les victimes voire établir une quelconque liste des personnes tuées, a qualifié, à travers son communiqué du 2 mars 2004, de crime contre l’humanité. Le septième paragraphe dudit communiqué, en effet, se lit comme suit: « La NCHR souhaite, que le Premier Ministre Yvon Neptune, l’ex – Député Amanus Mayette, Byron Odigé, Ernest Somoza ainsi connus dénoncés par la clameur publique ainsi que le prévenu Roland Dauphin soient mis à la disposition de la justice répressive pour que toute la lumière soit faite sur ce massacre ». Qui a décidé, plus d’un mois plus tard, et, pour quel motif, d’inscrire mon nom dans cette dénonciation par la clameur publique et quels sont les faits qui l’établissent.
    Je ne me suis pas rendu à Saint Marc, en compagnie du Premier Ministre. Je n’ai participé à aucune rencontre ou réunion concernant une quelconque opération de la Police à Saint Marc. Les opérations policières sont de la compétence exclusive du haut commandement de la Police Nationale. Comment peut-on m’imputer une dénonciation par la clameur publique. Il est évident que le Magistrat-instructeur Clunie Pierre Jules s’est montrée plus intéressée à faire passer les bourreaux, du lieu de son domicile, pour des victimes qu’au lieu faire briller la lumière et fixer les responsabilités sur les évènements qui se sont réellement produits à Saint Marc ce 11 février 2004. C’est la preuve la plus évidente que mes 25 mois de détention imposée, était tout à fait arbitraire, illégale et injuste. Je rappelle qu’aucun média haïtien ou étranger ayant produit des reportages sur la situation prévalant à Saint Marc, pendant tous les mois de février et de Mars 2004, n’a jamais ni relaté ma présence, ni associé mon nom à un événement quelconque produit, dans cette ville.
    1.2 « Attendu que le prévenu Roland Dauphin, au cours de son information préliminaire devant le juge de paix, a spontanément déclaré qu’il entend parler en présence de Yvon Neptune et de Jocelerme Privert ». L’ordonnance de clôture renseigne que l’information préliminaire de ce Roland Dauphin a été recueillie le 24 mars 2004 par le juge de paix Walter Lafalaise. Or le lendemain du jour, soit le 25 mars 2004, un mandat d’arrêt était déjà émis contre moi. Alors que je n’ai jamais été mis en sa présence, comme il le réclamait dès le départ, comme condition à son audition, laquelle « réclamation » a servi de prétexte à mon arrestation, l’ordonnance vient m’apprendre que ce dernier a subi, régulièrement son interrogatoire, le 4 juin 2004. Puisque je suis arrêté et incarcéré suite à sa dénonciation, la confrontation réclamée devrait, tout naturellement, se réaliser.
    De la valeur des déclarations faites par ce Roland Dauphin. La lecture de l’ordonnance du Juge Clunie Pierre Jules révèle que ce Roland Dauphin est un menteur et qu’il a sciemment menti à toutes les phases de son instruction. A la page 61 de l’ordonnance au deuxième paragraphe, on y lit en effet : « Attendu que l’inculpé Roland Dauphin a nié tous les faits à lui reprochés et qu’il a prétendu avoir pris connaissance des différents crimes commis à Saint Marc durant la période du 9 au 29 février 2004 par la voie des ondes ».
    A la page 26 du même document, Roland Dauphin a aussi, malgré la persistance du juge, nié avoir occupé le Poste de Commissaire de Police de Saint Marc. Il a insisté pour dire qu’il ne l’a jamais dit.
    « L’ordonnance dit encore que Roland Dauphin s’est présenté au début comme envoyé spécial du Palais national, par la suite comme Agent de sécurité de la Douane de Saint Marc pour assurer la sécurité rapprochée du Directeur et pour finalement avouer que, face à l’insécurité galopante, je me suis déclaré tout de suite commandant de la ville de Saint Marc ».
    On raconte aussi dans les couloirs du Pénitencier National qu’une organisation dite de défense des droits de l’homme, très impliquée dans cette supercherie, aurait suggéré à ce Roland dauphin de citer nommément Jocelerme Privert et Yvon Neptune comme auteur intellectuel du massacre en échange d’une amnistie après sa condamnation déjà acquise.
    L’ordonnance de renvoi du Magistrat instructeur, intervenue après 18 mois de d’enquêtes et de recherches, n’a établi, dans aucune de ses 72 pages, une quelconque relation entre ce nommé Roland Dauphin et moi-même Jocelerme Privert. C’est un individu que je n’ai jamais eu à rencontrer ni même à en entendre parler. Il s’est présenté et identifié à moi, pour la première fois, en décembre en 2004, au Pénitencier National. Je complétais déjà à ce moment le plus de 8 mois de détention dans ce centre carcéral.
    Roland Dauphin, réputé détenu au Pénitencier National et cité aussi, comme tous les autres inculpés, à comparaitre par devant cette Cour, brille par son absence, depuis le début de cette audience qui complète aujourd’hui son huitième jour. Je ne saurais, en cette circonstance, ne pas soulever certaines interrogations. La Cour a perdu l’opportunité d’écouter les déclarations qu’il voulait faire en ma présence.
    Comment un magistrat qui a prêté le serment et fait profession de rendre justice à qui justice est due peut-il agir avec autant de légèreté, de partialité, de partisannerie, de lâcheté, en renvoyant devant une juridiction criminelle, un honnête citoyen qui a servi son pays à des postes de hautes responsabilités, en se basant sur les allégations d’un truand qu’il a lui-même qualifié de menteur. Le magistrat Clunie Pierre Jules du Tribunal de Première Instance de Saint Marc dans le traitement de ce dossier n’a pas fait honneur à la justice de mon pays.
  2. Attendu que plusieurs témoins dont Charlienor Tompson ont accusé Monsieur. Jocelerme Privert d’avoir aidé les membres de Bale Wouze à accomplir leurs forfaits.
    Les dires de cet individu me concernant et auxquels se réfère le Juge n’ont aucune valeur. Sans aucune analyse des faits ou documents, le Magistrat instructeur à fait foi aux allégations mensongères, aux accusations et dénonciations calomnieuses de cet individu, responsable au premier chef des actes de violence et de terreurs qui pendant des mois ont secoué cette ville. Il lui revient de prouver et d’établir, par devant qui de droit, que, moi Jocelerme Privert, j’ai eu une quelconque relation avec ses prétendus adversaires politiques (BALE WOUZE) ou que j’ai joué un certain rôle dans leurs querelles régionales. Il devrait fournir au magistrat toutes les précisions sur l’autorisation que j’aurais donnée à un hélicoptère pour se rendre à Saint Marc et sur l’aide qu’il prétendait que j’aurais accordée à une organisation dénommée Bale Wouze.
    Qui est-il cet individu nommé Charlienor Thompson ? Ce nommé Charlienor Tompson que l’ordonnance du juge a qualifié de témoin est l’un des principaux dirigeants de l’organisation armée dénommée « Rassemblement des Militants Conséquents de Saint Marc » (RAMICOSM). Cette organisation a été, pendant des mois, le fer de lance des actes de violence et de terreurs qui ont eu lieu à Saint Marc. La lettre de plainte déposée Parquet de cette juridiction, le 8 mars 2004, porte l’empreinte de Jean Hugues Narcisse, son principal associé, qui assure la coordination de cette monstruosité, créée de toute pièce, baptisée cyniquement « Association des Victimes du Génocide de la Scierie (AVIGES » partie plaignante dans ce procès.
    Cette action des principaux dirigeants de cette organisation criminelle, soutenue par le pouvoir, n’est rien d’autre qu’une tentative de faire oublier leurs propres atrocités et forfaits. Leur implication et responsabilité dans le pillage des entrepôts de la Douane, de l’incendie du Commissariat de Police de Saint Marc et celui de la Clinique du Docteur Yveto Mayette, ayant refusé de leur livrer trois personnes blessées, aux fins de les achever, sont connus de tous. Ces faits sont publics et étaient reportés par les plus importants organes de presse du pays.
    D’autres déclarations publiées dans la presse locale et émanées de ces mêmes meneurs, méritent aussi d’être soulignées à votre attention Honorables Magistrats de cette Cour.
    Le 25 mai 2005, jour même de l’audition de l’ex Premier Ministre Yvon Neptune, c’est encore Charliénor Tompson, qui informe, par des déclarations faites à la presse, que des parties importantes du corps du délit (ossements humains) ont disparu du Parquet du tribunal de Saint Marc.
    Le même Charlienor Thompson, au cours d’une des émissions hebdomadaires RANMASE, de Radio Caraïbes tenues les samedis, ne s’est entouré d’aucun scrupule et d’aucune retenue pour faire l’apologie de la lutte et de la résistance menées par RAMIKOSM d’octobre 2003 à Mars 2004.
    Maître René Julien, juriste de formation et de profession, invité de la dite émission, tenant compte de l’extrême gravité des propos tenus par ce monsieur a eu la réaction suivante « « Toute enquête ou instruction sérieuse et crédible sur les événements de Saint Marc aboutira inévitablement à l’inculpation des principaux dirigeants du RAMIKOMS ». Et l’animateur de l’émission, pour sa part et de façon ironique, de lui demander d’expliquer si cette résistance de RAMIKOMS, et, dont il se vantait aujourd’hui se faisait avec les doigts. Surpris par ces deux réactions, auxquelles, il ne s’attendait pas, il a, le plus simplement du monde et pour toute réponse, raccroché le téléphone.
    Le statut de Maire assesseur à la Mairie de Saint Marc, attribué à Jean Hugues Narcisse, au lendemain du 29 février 2004, lui confère une ascendance et un contrôle total sur l’appareil judiciaire de Saint Marc. Ainsi, il peut se permettre d’être à la fois, Plaignant, Témoin, Juge, Ministère Public et Accusateur. Charlienor Thompson et Jean Hugues Narcisse, de leur statut d’hier de bourreau, se présentent aujourd’hui en victimes. Quelle ironie !
  3. « Attendu que devant le Cabinet d’instruction le 11 avril 2005, un témoin a dit au juge que Jocelerme Privert a été dans l’hélicoptère lors du massacre de la Scierie ». Cet « attendu que » figurant à la page 28 de l’ordonnance ne fait que confirmer la mauvaise foi et la partialité qui ont toujours animé le juge Clunie Pierre Jules, dans la conduite de cette enquête. D’abord ce témoin qui aurait déclaré que j’étais dans l’hélicoptère, ce mercredi 11 février 2004 au moment même des événements, n’a jamais été identifié, contrairement aux autres témoins auditionnés et figurés dans l’ordonnance de clôture du Magistrat instructeur. L’analyse des 112 pièces versées au dossier, n’a révélé l’audition d’aucun témoin à la date du 11 avril 2005 qui était pourtant un lundi. Donc il s’agit, ni plus ni moins, que d’un témoin fantôme.
  4. Attendu qu’il est établi qu’il y a eu coordination au téléphone entre les autorités responsables de la Sécurité Publique et les délinquants opérant sur le terrain ;
    Le Magistrat enquêteur Clunie Pierre Jules a encore erré dans son analyse. Aucun fait, procès-verbal, déclaration verbale ou écrite n’a été versé au dossier pour justifier une telle insinuation. Comment ledit Magistrat peut-il ignorer que le Ministère dont il relève administrativement et de qui il reçoit ses instructions et tous les avantages à sa disposition pour accomplir cette mission intéressée, et le principal responsable de la Sécurité Publique. Le Premier Ministre, dans le strict respect de la Constitution et notamment, au deuxième paragraphe de l’article 166, a même adjoint au Titulaire dudit Ministère, un Secrétaire d’Etat chargé exclusivement de cette tâche.
    C’est un fait avéré et connu de tous. Depuis la création, à la fin de l’année 1994, de la Police Nationale d’Haïti consécutive la démobilisation totale des Forces Armées d’Haïti à la fin de l’année 1995 et la fermeture du Ministère de la Défense Nationale au début de l’année 1996, la Sécurité Publique est de la compétence exclusive du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique. Ce qui est d’ordre constitutionnel
    Le CSPN, prévu par la loi du 29 Novembre 1994 établissant les structures administratives et de fonctionnement de la PNH, qui compte au nombre de ses membres le Ministre de l’Intérieur, n’est pas et n’a jamais fonctionné comme un organe de commandement. Son unique attribution est la définition des politiques et stratégies nationales en rapport avec les missions de la PNH, en d’autres termes en rapport a la Police.
    A une question du Magistrat faisant allusion à des actes de violence enregistrés à Saint Marc entre le 5 et le 9 février 2004 et ce qu’a fait le CSPN pour rétablir l’ordre :
    Ma réponse a été que le Conseil Supérieur de la Police Nationale ( CSPN ) a eu les 7, 13 et 14 février 2004 des réunions d’information sur la situation globale dans les villes occupées par les rebelles.
    Les interventions et opérations de la PNH ne sont ni décidées, ni commandées par le CSPN. Elles incombent aux responsables de la Police Nationale. Cette réponse a été confirmée par d’autres personnes interrogées dans le cadre de cette affaire et l’ordonnance à la page 22 reprend une déclaration attribuée à l’ex Premier Ministre lors de son audition à savoir « que le CSPN n’a pas le contrôle opérationnel de la Police Nationale, c’est compétence incombe au haut commandement de la Police.
    De plus après avoir établi avec suffisamment de détails, le soit disant rôle clé, attribué au Premier Ministre Yvon Neptune dans la planification des événements suscités, l’ordonnance du Juge d’instruction n’a établi aucune communication entre ce dernier, entre les responsables de la sécurité publique et encore moins entre ceux que le juge qualifient de délinquants opérant sur le terrain et moi-même. Donc cette coordination au téléphone entre les autorités responsables de la sécurité publique et les délinquants opérant sur le terrain est une fabulation.
  5. Attendu que le numéro de l’inculpé, soit le 558 0631 ou le 550 2244, figure parmi les numéros impliqués dans les planifications
    L’ordonnance dit, que deux numéros de téléphone censés m’appartenir (558 0631 et 550 2244), à la suite des relevés d’appels fournis le 25 juin 2005 par la Haitel, ont fait des appels à Jean Robert Esther, Directeur Central de l’Administration de la PNH. Sans même disposer de la teneur des conversations que j’aurais eues avec Monsieur Esther, ces appels sont qualifiés de preuve de coordination et de planification avec les responsables de sécurité publique et les délinquants et retenus comme charges et indices de complicité contre moi. Quelle aberration d’insinuer que les appels téléphoniques d’un Ministre à un fonctionnaire de rang inférieur d’une institution sur laquelle il ne détient aucun lien hiérarchique, puisse être considéré par un magistrat comme preuve de complicité.
    C’est un fait que j’entretenais des relations personnelles et d’amitié avec Jean Robert Esther et bien avant ma nomination comme Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales. Nos conversations téléphoniques sont toujours d’ordre personnel. Même réalisées pendant cette période tumultueuse, elles ne sauraient concerner le fonctionnement de la PNH encore moins en ce qui a trait à ses opérations sur le terrain. D’ailleurs Monsieur Esther, dans l’exercice de ses fonctions de Directeur Central de l’Administration de la PNH, n’avait, pas de compte à rendre, ni d’ordre à recevoir du Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, dont hiérarchiquement, il ne relève pas.
    De plus j’assumais au niveau de l’Etat une très haute responsabilité, laquelle implique que j’étais constamment sollicité par mes concitoyens en tant que serviteur public. Autant qu’il ne saurait m’être interdit de communiquer, par téléphone cellulaire, avec un Leader Politique ou de la Société Civile, un Journaliste ou responsable de Média, un membre du Secteur Privé, un simple citoyen etc., autant qu’une communication téléphonique avec un fonctionnaire de l’Etat ne saurait être qualifiée de preuve de planification d’un délit.
    Comment ne pas profiter de l’occasion pour rappeler que le premier janvier 2004 alors que je me trouvais aux Gonaïves pour la célébration des festivités du Bicentenaire, mon téléphone cellulaire était complètement saturé d’appels et de messages provenant de ce même Bernard Gousse. Il voulait justement solliciter ma diligente intervention en faveur de la libération de son cousin Lamartinière Honorat Junior. Ce dernier ait été arrêté ce même jour, pour avoir été surpris en flagrant délit, posant des actes attentatoires à l’ordre public dont des incendies de biens de l’Etat dans les rues de la Capitale. A la réception desdits messages le 2 janvier 2004, en trois occasions, ce même jour, j’ai appelé Maitre Bernard Gousse et dans les limites de ma compétence je l’ai aidé. Ces appels en direction d’un membre influent de l’opposition et du groupe 184, signifiaient-ils que je complotais avec eux pour renverser mon Gouvernement.
  6. Attendu que le fait de ne pas intervenir pour condamner les actes barbares du groupe Bale Wouze est une attitude d’encouragement, un appui, un support, une aide.
    Ladite ordonnance situe les événements en question du 9 au 29 février 2004. Cependant elle a bien circonscrit ce qui est qualifié de massacre de la Scierie dans la journée du mercredi 11 février 2004. On y trouve, en effet, plusieurs références à ce jour et sous différents qualificatifs.
    Cependant les informations rapportées, par les organes de presse en donnent une toute autre lecture de cette journée du mercredi 11 février 2004. Le Nouvelliste du mercredi 11 février 2004 en première page sous le titre « Chasse aux Insurgés » parle d’une opération de Police à la Scierie et d’affrontements en groupes armés rivaux ayant fait au moins trois morts.
    Le mardi 10 février 2004, je participais en compagnie des Secrétaires d’Etat de la Communication et de la Sécurité Publique à la conférence hebdomadaire connue sous le titre, « mardi de la presse ». Mon intervention portait justement sur une dénonciation et une condamnation sans équivoque des actes de violences ayant cours dans le pays. Rappelant aux uns et aux autres les articles de la Constitution de 1987 relatifs aux droits et devoirs des citoyens.
    Alors que l’ex Premier Ministre Yvon Neptune est accusé pour le simple fait de s’être rendu en visite le 9 février 2004 dans la ville de Saint Marc, abandonnée, par les Policiers qui y étaient cantonnés, et contrôlée par les forces de l’opposition selon les propres termes d’un communiqué de la NCHR daté du même jour et signé de Viles Alizar, auditionné comme témoin, sous le titre de situation insurrectionnelle en Haïti.
    Dans l’ordonnance, il m’est reproché de ne pas intervenir, même, pour condamner les actes barbares de Bale Wouze:
    Quel événement, avais-je donc à condamner ? Sur la base de quelles informations devrais-je intervenir pour condamner ?
    Les événements du 11 février 2004 à Saint Marc que le Nouvelliste a présenté en première page de son numéro du jour sous le titre Chasse aux Insurgés se sont produits dans un contexte d’insurrection généralisée. Le pays était, à ce moment-là, attaqué de toutes parts par des groupes armés, tuant, pillant, incendiant des commissariats de Police, des Ecoles et autres bâtiments publics.
    Ce n’est qu’après le 29 février 2004 sous la houlette de la NCHR que l’événement du 11 février 2004 de Saint Marc, faisant 3 morts selon le Nouvelliste du jour, va être à des fins purement répressives, gonflés pour devenir ce génocide ou ce crime contre l’humanité et finalement massacre de la Syrie.
    Faits des plus irréguliers, un extrait d’un article du quotidien Le Matin est utilisé, dans l’ordonnance, pour servir de justificatif à l’élément Matériel caractérisant l’infraction. Ledit journal, dont les journalistes, en grand titre selon l’ordonnance parlent de « Radiographie d’un massacre», n’existait pas en février 2004. Le tirage en question, au numéro 32175, est daté du vendredi 23 au lundi 26 avril 2004. Donc il est bien postérieur aux événements. Les opinions, prises de positions et racontars, à posteriori, de journalistes d’un média inexistant au moment des faits ne sauraient être retenues pour vraies et servir de base à les justifier.
    Quelles sont les références légales faisant obligation, au Titulaire du MICT, d’avoir à intervenir en personne, dans toutes les situations, pour condamner ?
    Le décret du 17 mai 1990 établissant les structures administratives du MICT ne contient aucun article faisant obligation à son Titulaire, d’avoir à faire une intervention à chaque fois qu’un événement se produit ou qu’un quidam décide, pour des raisons, à lui seul connues, d’en inventer un.
    Quand mon intervention devrait-elle avoir lieu ?
    Me reprochant, dans l’ordonnance de clôture, de ne pas intervenir même pour condamner les actes barbares de Bale Wouze recèle une grave méprise. Au cours de mon audition, à une question du Juge relative à ma participation à la conférence de presse du mardi 10 février 2004, ma réponse a été claire et catégorique : Je dénonçais les pertes en vies humaines et les incendies de bâtiments publics dans les villes attaquées par les rebelles. Cette déclaration a été faite au lendemain du jour de la visite du Premier Ministre à Saint Marc et la veille même des événements dits du 11 février 2004.
    Quelle forme d’intervention attendait- on de moi ?
    Qu’attendait-on donc de moi comme intervention. Devrais-je ou pouvais-je me rendre à Saint Marc à ce moment-là ? Nul n’ignore que dès le 5 février 2004, les Policiers cantonnés à Saint Marc ont abandonné le Commissariat principal de cette ville désormais sous contrôle des forces de l’opposition dirigées par le RAMICOSM, une organisation armée, selon les propres déclarations de ceux qui aujourd’hui font des membres de cette association de malfaiteurs des victimes et qui cyniquement accusent et réclament justice.
    Un pavé dans la marre. Le Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Saint Marc, Maître Lesly Jules dans son réquisitoire définitif du 19 août 2005 a jeté un pavé dans la marre. Il émet un « attendu que » se lisant comme suit : « les informations recueillies au cours de l’enquête ont révélé que Jocelerme Privert n’avait pas mis les pieds à Saint Marc et de ce fait n’a pas accompagné Yvon Neptune lors de la visite du 9 février 2004 ». Il conclut en se demandant, « fort de ce qui précède, est-ce qu’il y a lieu à poursuivre contre Jocelerme Privert pour les évènements de la Scierie ». Les Juges, dit-on, ne sont pas liés aux réquisitoires des Commissaires du Gouvernement. Le magistrat dispose du droit légitime de passer outre et de conclure son ordonnance. Par contre, le Ministère Public, comme défenseur de la société, aura beaucoup de difficultés, à soutenir une accusation contre moi, tenant compte cette position déjà exprimée par Lesly Jules, en son statut de Commissaire du Gouvernement.

Mon plaidoyer. En soumettant ces faits à la sagacité des Juges de la Cour d’Appel, je n’entends nullement relancer le débat sur les causes, les circonstances, la nature et la qualification des incidents qui ont eu lieu à Saint Marc, comme dans le reste du pays, au cours de ce mois de février 2004. Différentes personnalités et organisations, nationales et internationales, politiques, juridiques, diplomatiques et de la Société Civile, selon leur compréhension, leur analyse, leurs motivations, leur source d’information et leurs intérêts, se sont déjà prononcées sur la question. Leurs opinions et prises de positions sont publiques et connues de tous. Comme Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, pendant cette même période, riche en événements et affrontements politiques, j’avais fait ce que me dictait ma conscience de citoyen et de responsable, et, que j’étais aussi en mesure de faire.


Si certains, pour des raisons, à eux seuls connues, ont choisis délibérément de dénaturer les faits, de pervertir la vérité, de revenir sur leurs propres déclarations, de donner à l’incident une dimension qu’il n’avait pas, et enfin de chercher, par l’association malicieuse de mon nom au dit incident, à ternir mon image et ma réputation, uniquement pour me faire du mal, afin de satisfaire la revanche de leurs intérêts occultes, qu’ils soient juges de leur propre conscience.


Honorables Président et Magistrats de la Cour, après 25 mois de détention illégale, injuste et injustifiée je me vois encore en train de ruminer les mêmes interrogations :
Qui, pour quel motif et par quel coup de baguette magique, a pu mettre mon nom dans la bouche de ce quidam, aujourd’hui fugitif, qui, selon l’ordonnance, a sciemment menti à toutes les phases de l’instruction ?


Que disposaient les autorités judiciaires de Saint Marc le 24 mars 2004 comme rapport justifiant que des personnes ont été tuées, identifiant les causes et les circonstances de leur décès et conclure qu’il s’agit là d’un massacre.
Quelle preuve ou évidence disposaient elles le 25 mars 2004 pour justifier l’émission d’un mandat d’arrêt contre le Citoyen Jocelerme Privert, non surpris en flagrant délit et non dénoncé par la clameur publique ?
Comment faire de Jocelerme Privert complice d’individus qu’il ne connaît pas et avec qui, il n’a jamais eu de rapport et pour une infraction dont il ignore totalement la perpétration ?


De ce qui vient d’être démontré, il est manifestement clair que d’autres raisons et non les évènements de Saint Marc sont à la base de mon arrestation et de mon maintien en détention. Ce n’est pas par pur hasard ou par un simple concours de circonstances que ce soit Maître Bernard Gousse, Ministre de la Justice, qui ait procédé, personnellement, à mon arrestation ce jour du 6 avril 2004 à 3 heures du matin, tout en justifiant la perquisition opérée à mon domicile par des hommes masqués et lourdement armés de dix heures à onze heures et demi du soir.


Impensable, qu’un mandat émis par un Juge se trouvant à 100 kilomètres de la Capitale se retrouve entre les mains d’un Ministre à 3 heures du matin pour exécution. C’est le Premier Ministre Gérard Latortue, lui-même, embarrassé par le tollé soulevé autour de cet acte illégal, indigne et insolite posé par son Ministre, réagissant sur les ondes de Radio Caraïbes, sur les conditions et motifs de mon arrestation déclare « Monsieur Privert a été arrêté pour sa sécurité, il se trouvait en danger et aurait appelé à l’aide ».
Ainsi, suis-je en mesure d’affirmer de façon péremptoire, que mon arrestation ce 6 Avril 2004 par Bernard Gousse en personne et ma détention injustifiée et prolongée pendant plus de 25 longs mois n’ont absolument rien à voir avec ce massacre inventé de toutes pièces, par les fossoyeurs de la démocratie en Haïti, (hommes d’affaires frustrés, leaders politiques aigris et des acteurs déçus de la société civile) pour justifier, par devant l’opinion publique internationale, leur implication indécente et honteuse dans le renversement par les armes, d’un gouvernement démocratique, jouissant d’une légitimité constitutionnelle et populaire incontestable.


Il s’agit aussi, en ce qui me concerne personnellement, d’une sanction arbitraire qui m’est imposée pour avoir refusé de violer les lois et la Constitution de mon pays pour satisfaire les sollicitations malsaines et indécentes de certains proches supporteurs du pouvoir intérimaire.
Je ne saurais en la circonstance faire l’économie de ne pas mentionner un cas typique et connu de tous celui. La Direction de L’immigration et de l’Emigration relevant du Ministère que je dirigeais, dans le strict des lois du pays, n’a pas agréé une demande de passeport produite par un citoyen détenteur depuis sa naissance d’un passeport étranger. Ce dernier, certes d’origine haïtienne, a toujours vécu au pays, comme investisseur étranger. Il a toujours revendiqué son statut de résident étranger, en se faisant, régulièrement, délivrer le permis de séjour requis des non nationaux, pour rester et vivre légalement en Haïti. Le passeport haïtien sollicité ne devrait seulement servir de parade de nationalité, pour justifier un engagement politique et des prises de positions dans les activités politiques du pays.


Il ne fait l’ombre d’aucun doute, que cette affaire de massacre de la scierie a été une fabulation un prétexte, inventé par les autorités issues des évènements du 29 février 2004, pour régler leurs comptes personnels avec certains membres du Gouvernement d’Aristide. Moins d’un mois après cette déclaration, soit le 14 juin 2005, Bernard Gousse a été requis de démissionner comme Ministre de la Justice.
Je tiens en conclusion à réaffirmer et de façon solennelle qu’il n’est nullement question pour moi de chercher à prouver ma non implication dans lesdits incidents et encore moins de tenter de leur donner une justification ou un qualificatif, j’entends seulement dénoncer la perfidie et la méchanceté de certaines personnalités et organisations politiques qui ont décidé, pour des raisons inavouables et inavouées, d’associer mon nom à un évènement avec lequel, toutes elles savent que je n’ai eu aucune relation tant directe qu’indirecte.


Honorable Président et Magistrats de la Cour, après 25 mois de détention illégale, injuste et injustifiée je me vois encore en train de ruminer les mêmes interrogations :
Qui, pour quel motif et par quel coup de baguette magique, a pu mettre mon nom dans la bouche de ce quidam, aujourd’hui fugitif, qui, selon l’ordonnance, a sciemment menti à toutes les phases de l’instruction ?

Que disposaient les autorités judiciaires de Saint Marc le 24 mars 2004 comme rapport justifiant que des personnes ont été tuées, identifiant les causes et les circonstances de leur décès et conclure qu’il s’agit là d’un massacre.
Quelle preuve ou évidence disposaient elles le 25 mars 2004 pour justifier l’émission d’un mandat d’arrêt contre le Citoyen Jocelerme Privert, non surpris en flagrant délit et non dénoncé par la clameur publique ?
Comment faire de Jocelerme Privert complice d’individus qu’il ne connaît pas et avec qui, il n’a jamais eu de rapport et pour une infraction dont il ignore totalement la perpétration.


De ce qui vient d’être démontré, il est manifestement clair que d’autres raisons et non les évènements de Saint Marc sont à la base de mon arrestation et de mon maintien en détention. Ce n’est pas par pur hasard ou par un simple concours de circonstances que ce soit Maître Bernard Gousse, Ministre de la Justice, qui ait procédé personnellement à mon arrestation ce jour du 6 avril 2004 à 2 heures du matin, tout en justifiant la perquisition opérée à mon domicile par des hommes masqués et lourdement armés de dix heures à onze heures et demi du soir. Impensable, qu’un mandat émis par un Juge se trouvant à 100 kilomètres de la Capitale se retrouve entre les mains d’un Ministre à 3 heures du matin pour exécution.


C’est le Premier Ministre Gérard Latortue, lui-même, embarrassé par le tollé soulevé autour de cet acte illégal, indigne et insolite posé par son Ministre de la justice, réagissant sur les ondes de Radio Caraïbes, sur les conditions et motifs de mon arrestation déclare « Monsieur Privert a été arrêté pour sa sécurité, il se trouvait en danger et aurait appelé à l’aide ».


En réaffirmant aujourd’hui, encore une fois, mon refus net et catégorique d’être qualifié de complice des auteurs, pour moi, tout à fait inconnus et pour crime dont j’ignore totalement la perpétration. Je rappelle :
Que l’ordonnance n’a pu démontrer à aucun moment de l’instruction un quelconque degré de relation ou de coopération entre les dits auteurs et moi-même Jocelerme Privert (à savoir : rencontres, communications, dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations ou artifices coupables) qui aurait provoqué cette infraction ou servir de mobile à sa réalisation. Donc les quatre conditions essentielles prévues à l’article 45 du Code Pénal, pour qu’il y ait complicité punissable, ne sont pas de mise en ce qui me concerne et ne peuvent être appliquées en la circonstance.


Que mes accusateurs, non plus, n’ont pu administrer la preuve matérielle de l’aide qu’ils prétendent que j’aurais accordée à Bale Wouze pour accomplir ses forfaits, prouver ma présence dans un hélicoptère imaginaire, et justifier l’autorisation que j’aurais donnée à cet engin pour se rendre à Saint Marc ce jour-là.


De tout ce que vous venez d’entendre, Honorables Présidents et Magistrats de la Cour d’Appel des Gonaïves, vous pouvez comprendre que mon arrestation et ma détention depuis plus de 25 mois, les préjudices moraux et sociaux causés à moi-même et à ma famille, et ma présence devant votre Auguste Cour aujourd’hui, n’ont, absolument, rien à voir avec la Scierie. Il s’agit bien d’un complot ourdi contre la personne du citoyen Jocelerme Privert qui a commis le seul crime d’avoir mis ses compétences au service de son pays comme Directeur Général des Impôts, Secrétaire d’Etat aux Finances et Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales et d’avoir été rigoureux dans l’application de la Constitution et des lois de la République.


Par ces causes et motifs, qu’il vous plaise, Honorables Président, Juges et Magistrats de la Cour de dire et déclarer que l’accusation de complicité retenue, dans l’ordonnance de clôture du Juge instructeur Clunie Pierre Jules en charge du dossier dit « massacre de la Scierie », contre le citoyen Jocelerme Privert ne se justifie pas;
Déclarer en outre que le citoyen Jocelerme Privert ne peut et ne saurait être qualifié de complice des auteurs pour lui inconnus et pour un crime dont il ignore totalement les tenants et les aboutissants;
Ordonner enfin, que le citoyen Jocelerme Privert, incarcéré injustement depuis plus de vingt-cinq (25) mois, soit renvoyé hors des liens de la prévention, ce conformément aux prescrits de la loi. Ce sera justice.

Ordonnance de main levée d’écrou. Mon plaidoyer a soulevé, dans la salle d’audience de la Cour d’Appel des Gonaïves, une très vive émotion par son éloquence et sa sincérité. L’assistance a réagi avec un tonnerre d’applaudissement. La composition de la Cour, tout en rappelant à l’assistance leur devoir de réserve, très discrètement a exprimé une certaine sympathie à ma cause. Le lendemain du Jour Le Nouvelliste, en première page titrait « Jocelerme Privert pourrait sortir du lot ». Justement le 16 juin de 2006, je suis sorti de prison en vertu de l’ordonnance de main levée du mandat de dépôt et du mandat d’arrêt décernés contre moi. Ladite ordonnance émise par la Cour d’Appel des Gonaïves a été, sans aucune réticence, exécutée par le Parquet du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince.


Je suis certes sorti de prison, mais la mascarade de « génocide ou massacre de la Scierie » est loin cependant d’atteindre son dénouement. Un an plus tard, soit le 13 avril 2007, la Cour d’Appel des Gonaïves, en sa première section, a rendu son arrêt définitif, sur l’appel interjeté par les principaux inculpés, contre cette ordonnance scélérate, inique et cynique du Magistrat Clunie Pierre Jules. Certains considérants extraits de l’arrêt rendu le 13 avril 2007 par les juges de cette Cour méritent d’être présentés aux lecteurs pour une meilleure appréciation et compréhension de l’état de notre système judiciaire.


Par ces causes et motifs, sur les conclusions en partie conforme du représentant du Ministère Public, reçoit l’appel des inculpés se dit et se déclare incompétent pour instruire à l’encontre des inculpés (Yvon Neptune, Jocelerme Privert, Calixte Delatour, Jean Gérard Dubreuil, Jean Claude Jean Baptiste) poursuivis en leur qualité respective de Premier Ministre, Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales, de Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, de Secrétaire d’Etat à la Sécurité Publique et de Secrétaire d’Etat aux Affaires Sociales, pour avoir été inconstitutionnellement saisie

Commentaires. Je ne fermerai pas ce chapitre combien sombre de ma vie sans dénoncer l’indécence qui est devenue la marque de fabrique de certaines personnalités publiques de mon pays. Mon nom, par la méchanceté de certains de mes compatriotes, a été associé à un crime déshonorant, de nature à ternir mon image et salir ma réputation. Les préjudices subis sont encore vivants. Mes fossoyeurs et ou adversaires politiques inconnus continuent à utiliser cette supercherie pour me vilipender et me nuire dans mes rêves les plus légitimes. Le dossier a été clos sans que le jour n’ait été fait sur ce qui s’est vraiment passé et les motivations de certains indicateurs de police se faisant appeler défenseurs des droits de l’homme. La juge en charge, reconnue comme incompétente, partiale et partisane dans le traitement de ce dossier, loin de tirer la révérence, a même été promue.


Les nombreux crimes de sang commis pendant la période de transition n’ont pas retenu l’attention de cet auxiliaire de la Police que fut le NCHR devenu depuis RNDDH. Les partisans du Président Jean Bertrand Aristide qui exerçaient leur droit constitutionnel en réclamant, à travers des manifestations de rue son retour, vulgairement traités de chimères ou « rat pa kaka » étaient liquidés comme des chiens. Ils ne méritaient, en conséquence, aucune considération de ses défenseurs déguisés des droits de l’homme. Le Premier Ministre Gérard Latortue s’est même félicité de leur avoir tiré dessus « yo tiré sou nou, nou tire sou yo tou Wi). Le nombre de victimes de délateurs s’allonge de jour en jour. La lutte contre la corruption leur sert, aujourd’hui, de prétexte pour s’attaquer et livrer à la vindicte publique des compatriotes honnêtes ne se retrouvant pas dans leur clan politique.


J’ajoute pour finir ce chapitre sombre, la chance qui m’a été offerte d’apprécier toute la dimension de cet homme qu’est Yvon Neptune. Au moment de plier bagage de notre centre de détention, à Pacot ce 16 juin 2006, il m’a griffonné de ses mains une petite note m’exhortant à faire preuve de sagesse et a ne pas succomber à la tentation de nourrir de la haine et ou de vengeance, contre ceux qui m’ont fait subir cette criante injustice.


Jocelerme Privert, mai-juin 2006

1JP : Un mandat d’arrêt, Maitre Gousse et pour quel motif ?
BG : Pour le massacre de la Scierie
JP : Massacre à la Scierie ! Ou ça et quand a-t-il eu lieu ?
BG : A Saint Marc
JP : Je ne me suis jamais rendu à St- Marc. Je n’ai participé à aucune rencontre ou réunion concernant une quelconque action dans cette ville. Comment puis-je être concerné ?
BG : C’est Amanus Maëtte qui a cité votre nom.
JP : Comment Amanus Maëtte peut-il citer mon nom et dans quelle circonstance ? C’est un personnage avec qui je n’ai jamais eu de rapport.
BG : Il vous a dénoncé comme Commanditaire.
JP : Commanditaire de quoi Maître Gousse, dis-je, et pourquoi le Juge a-t-il, sur une simple dénonciation d’un individu, décerné contre moi un mandat d’arrêt plutôt qu’un mandat de comparution.
BG : Le Juge d’instruction a le pouvoir de décider.
JP : Pourquoi ce déploiement massif d’individus encagoulés à mon domicile à 10 heures du soir ?
BG : C’était la Police.
JP : Vous me dites, Maître Gousse, que ces individus en noir, lourdement armés et masqués qui ont séquestré et torturé pendant des heures mon chauffeur pour le forcer à les conduire à mon domicile et qui ont, de 10 heures à 11 heures et demi du soir, envahi et saccagé ma résidence, agressé physiquement et verbalement ma maman, pillé et emporté tout ce qu’ils trouvaient sur leur passage, sont des Agents de la Police Nationale d’Haïti.
BG : Ils y étaient là pour exécuter le mandat. Ils avaient reçu une copie me répondit-il ?
JP : Maître Gousse, et la Constitution dans tout cela ?
A cette question impertinente, l’éminent juriste de profession et de surcroit Ministre de la justice a choisi de ne pas répondre.
JP : Maitre Gousse vous êtes détenteur d’un mandat d’arrêt décerné contre moi et vous êtes accompagné du Directeur Général de la Police. Je dois me considérer comme en état d’arrestation.

BG : En principe oui, me dit-il
JP : Dois-je absolument me livrer ce soir?
BG : Pour votre sécurité c’est mieux.

2L’alinéa (d) de l’article 24.3 est assez explicite « Sauf en cas de flagrant délit, aucune arrestation sur mandat, aucune perquisition ne peut avoir lieu entre six (6) du matin et six (6) heures du soir ».

4La première page de l’ordonnance de clôture de Maitre Mimerose A. Janvier
5Voir copie du mandat de l’assignation à comparaitre du jeudi 3 juin 2004 de Nissage Sicard et la réquisition qui a été signifiée par mon Avocat Me Emmanuel D. Clersaint

6Note de presse, dénonçant cette tentative malveillante d’Heard Abraham de nous imputer la responsabilité de l’attaque dirigée contre le Pénitencier national le samedi 19 février 2005 publiée le 24 février 2005,

7Article signé du journaliste franco-canadien Michel Vastel et publié dans L’actualité le 15 mars 2003.

8Le Gouvernement Canadien, à travers l’ACDI, a octroyé à la NCHR une enveloppe de cent mille (100,000) dollars canadiens en financement du projet dénommé « Projet PR–FAJDH-URG/005, Projet spécial d’assistance et de support aux victimes, sous la description : Assistance

9Le manifeste du vol Caribintair du 18 décembre 2002.
10L requête de l’IRI au Consulat dominicain relative aux visas d’entrée pour les membres de la délégation.
11Voir copie de la lettre de la Congreswoman Maxime Waters du 12 novembre 2004
12Composition de la délégation de Maxime Waters venue s’enquérir de l’état de détention des prisonniers politiques

13Article de Le Nouvelliste du vendredi 8 au dimanche 10 avril 2005
14Se référant aux termes de l’article 25.1 de la Constitution stipulant que « nul ne peut être entendu en l’absence de son Avocat ou d’un témoin de son choix ».

15Les principales questions, qui me furent posées peuvent ainsi se résumer :
 Connaissez-vous une organisation du nom de Bale Wouze.
Je sais en entendre parler qu’à travers les medias.
 Connaissez-vous les objectifs de cette organisation Malheureusement, non.

 Savez-vous lui apporter un quelconque appui. Aucun, Je n’ai eu à entretenir aucune relation avec ladite organisation
 Qui autorise les déplacements des hélicoptères. Les Hélicoptères font partie des moyens de déplacement du Président, le Ministère que je dirige n’en a pas la gestion et ne détient sur ces équipements aucune autorité pour les requérir ou les utiliser à sa
guise.
 Comment le CSPN avait- il réagi aux incidents de Saint Marc et quelles étaient les mesures adoptées pour ramener la paix et la sécurité.

Le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) a eu les 7, 13 et 14 février 2004 des réunions sur la situation globale dans les villes occupées par les rebelles. Le CSPN n’est pas et n’a jamais fonctionné comme un organe de commandement. Les interventions et opérations de la PNH ne sont ni décidées, ni commandées par le CSPN. Elles incombent au Haut commandement de la Police.
 Le Premier Ministre a fait, à Saint Marc, une déclaration en Anglais à des Journalistes étrangers, quelle en était la teneur.
Ça je l’ignore, je n’étais pas là. Mais à travers les journaux que j’ai lu une déclaration qui est attribuée au Premier Ministre dirait « les populations de ces villes sont pour la paix, c’est pourquoi, elles accueillent favorablement le retour de la Police Nationale »
 Le Ministère de l’Intérieur a t-il donné des armes à BALE WOUZE. Non et Jamais, et je précise que les principales missions confiées à ce Ministère par le décret organique du 17 mai 1990 sont exclusivement: le Contrôle de tutelle des Collectivités Territoriales, le contrôle de
l’Immigration et l’Émigration, la Protection Civile en cas de Catastrophes naturelles, lesquelles n’ont rien à voir avec l’acquisition, la détention, la gestion et la distribution des armes.
 Étiez-vous au courant qu’un hélicoptère avait survolé le morne la Scierie pendant la journée du 11 février 2004.
Vraiment pas, je n’étais même pas à Port – au – Prince ce jour-là.
 Le mardi 10 février 2004, vous avez participé à un mardi de la presse quel a été l’objet de
votre intervention :
Je dénonçais les actes de violence, les pertes en vies humaines et les incendies des bâtiments publics dans les villes occupées par les rebelles. Je tirais la sonnette d’alarme sur le danger de telles actions sur l’avenir immédiat de notre pays

16Ordonnance de rejet de ma demande de main levée d’écrou à moi signifiée le 12 juillet 2005

17A la barre pendant ces jours, on retrouve :
La composition de la Cour d’Appel, appelée à entendre l’affaire, est dirigée par les Magistrats suivants, le très respecté Maitre Hugues Saint Pierre Président, assisté de Mécène Louis et de Grégoire Jean Baptiste des modèles d’honnêteté, d’intégrité et de compétence pour la justice haïtienne.
Maitres Emmanuel Clersaint et Camille Leblanc, pour Jocelerme Privert Maitres Samuel Madistin, Georges Mosler et Stanley Gaston pour les prétendues victimes Maitres Calixte Delatour pour sa propre cause Maitres Mario Joseph, Jacob Latortue, Stevenson Thimoleon, Gary Orelien, Fréderic Beneche, etc. pour les autres accusés dans l’affaire (présents ou absents au Tribunal) Le Ministère public était représenté par Maitre Roland Paphius.

18Roland Dauphin, est-il toujours en prison ? Pourquoi ne s’est-il pas présenté ? Est-il introuvable au Pénitencier National ? A t’il refusé de comparaitre ? Ets-ce la clé de voûte de cette supercherie ? C’est bien dommage.

19Article 269 de la Constitution « La Police est un corps armé. Son fonctionnement relève du Ministère de la Justice.

20A la page 11 de l’ordonnance on lit : la Journée noire du 11 février 2004 a laissé des séquelles inoubliables marquant tristement l’histoire de la Cité de Nissage Saget.
A la page 13 de l’ordonnance ont lit : Cette scène de violence a atteint son apogée dans la journée noire du mercredi 11 février avec la présence d’hélicoptère gouvernemental.
A la page 14 on lit : Il y a eu à Saint Marc le mercredi 11 février 2004 un fait sanglant au cours duquel plusieurs personnes ont trouvé la mort.
A la page 19 de l’ordonnance on lit : Le massacre de la Scierie est caractérisé surtout par la présence de l’hélicoptère le mercredi noir du 11 février 2004

21Le 20 mai 2005, Premier Ministre de facto Gérard Latortue, à l’occasion de la visite en Haïti de Monsieur Andrew Young, ancien Ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies, s’est laissé aller à faire la confession suivantes « la justice pratiquée par certains membres de son Gouvernement
est une justice revancharde. Ces derniers et certains secteurs, dit-il, à la presse, se cachent derrière le drap de la justice pour régler leurs affaires personnelles ».

22Arrêt de la Cour d’Appel des Gonaïves en date du 13 juin 2006, suivi de la mise à exécution du Parquet près de cette Cour d’Appel en date du 14 juin 2006 et de la requête du Parquet du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, exécutée par les autorités policières le 16 juin 2006.
23Les considérants extraits : Considérant que le premier devoir d’un juge ou d’un collège de juge en siège est de s’interroger sur sa propre compétence.
Considérant que de ce nombre d’inculpés, sus-désignés se distinguent Jocelerme Privert, Calixte Delatour, Jean Gerard Dubreuil , Jean Caude Jean Baptiste et Yvon Neptune qui exerçaient respectivement les fonctions de Ministre de l’intérieur et des Collectivités Territoriales, de Ministre de la
Justice et de la Sécurité Publique, de Secrétaire d’Etat à la Sécurité Publique, de Secrétaire d’Etat aux Affaires Sociales et Premier Ministre du Gouvernement de la République au moment où ils auraient commis les différentes infractions qui leur sont reprochées, ce qui est, d’ailleurs aux débats.
Considérant que pour ces inculpés, pris en leurs qualités de fonctionnaires susvisés, la Constitution du 29 mars 1987, alors comme aujourd’hui en vigueur désigne impérativement en ses articles 185 à 190 et en des termes très explicites les instances concernées pour les poursuivre et la procédure à engager à leur encontre dans ses moindres détails.
Considérant que parmi ces instances, il n’est point de parquet de Tribunal de Première Instance, de Cabinet d’Instruction, ni de Cour d’Appel ou de son parquet et que ce n’est qu’en cas d’application d’autres peines ou d’une décision sur l’action civile que la faculté de déférer aux tribunaux ordinaires ou de droit commun peut être envisagé.
Considérant que les lois relatives à la compétence sont d’ordre public, surtout quand il s’agit de lois émanant de la Constitution qui est la loi fondamentale de la nation et que non investie de saisie constitutionnelle, la Cour ne peut que décliner purement et simplement sa compétence pour instruire contre ces anciens fonctionnaires de l’Etat haïtien et par voie de cause, renvoyer le représentant du Ministère public près la Cour a procéder par devant qui de droit.
Considérant que de si graves atteintes aux règles de la procédure sont loin de mettre l’œuvre du premier juge à l’abri de toute critique sans compter que la règle du double degré de juridiction qui semble avoir été tout a fait méconnue rend tout a fait incomplète l’instruction ainsi menée par le premier juge jusqu’à nécessiter une mesure d’instruction consistant en l’audition par ce magistrat ou tout autre qui serait désigné à cet effet par qui de droit de chacun des inculpés que dessus dont le droit à la défense aurait été violé.
Considérant que cependant plusieurs de ces inculpés ont été retenus dans les liens de l’inculpation pour être renvoyés par devant le Tribunal Criminel siégeant sans assistance du Jury comme plusieurs autres ont été hors des liens de l’inculpation ce qui prouverait s’il en était besoin que l’instruction de l’affaire a été menée avec un empressement injustifié, une légèreté déplorable donc profitable aux uns et
préjudiciables aux autres.
Considérant que de telles omissions et excès de pouvoir relevés à la charge du premier juge rendent son œuvre incomplète et partant privent la Cour de certains éléments suffisants pour pouvoir se prononcer en connaissance de cause.

24La liste de toutes les personnes incriminées dans cette affaire
25Voir en annexe quelques extraits l’ordonnance de clôture de la Cour d’Appel des Gonaïves en date du 13 avril 2007

26Voir en annexe la petite note que m’a écrite le Premier Ministre Yvon Neptune

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