Jocelerme Privert

Bienvenue sur le Site web de Jocelerme Privert

Le processus électoral initié au cours de l’année 2015 a été conduit à terme aux premiers jours du mois de janvier 2017. La totale indépendance dont jouissait le Conseil Électoral et le ferme engagement de l’Exécutif provisoire de s’abstenir de toute interférence dans la reprise de son déroulement ont garanti sa fiabilité et sa crédibilité. Les résultats préliminaires du premier tour tenu le 20 novembre 2016 et proclamés par le Conseil électoral, ont été favorables à Monsieur Jovenel Moise. Les contestations ayant suivi cette proclamation n’avaient pas été suffisamment étayées et justifiées pour les influencer voire les modifier. Sa victoire, au premier tour desdites élections, a été confirmée par la publication au Moniteur, Journal Officiel de la République, des résultats transmis à l’Exécutif par le CEP.


Les élections du 20 novembre 2016 ne visaient pas seulement la reprise des élections présidentielles du 26 octobre 2015. Elles avaient aussi englobé la reprise des législatives inachevées ou perturbées dans certaines circonscriptions, le deuxième tour des sénatoriales, pour certains départements, elles aussi suspendues. La fin du mandat des Sénateurs élus en 2010 est fixée le deuxième lundi de janvier 2017. Le Conseil électoral a dû tenir compte de cet échéancier en intégrant les élections pour le renouvellement de ce tiers dans le calendrier électoral publié.


Le 7 février 2017, les deux chambres du Parlement, au grand complet, se sont réunies en assemblée nationale ordinaire pour recevoir le serment constitutionnel du nouveau Président de la République. Cette première phase, empreinte de solennité, a été suivie de la cérémonie de remise de l’écharpe présidentielle à Monsieur Moïse par le Président de ladite Assemblée.
Le Parlement, avec la conclusion de ce long processus électoral, est sorti renforcé. Les contestations ayant suivi le processus de validation de certains de ses membres, déclarés par certains acteurs politiques, comme mal élus, se sont donc évanouies. L’effectif complet, qu’il affichait, le dotait de capacité suffisante pour la reprise des activités législatives et de contrôle de l’action gouvernementale.


Les Collectivités territoriales (Conseils municipaux et conseils de sections communales) privées depuis plusieurs années d’organes élus, étaient maintenant dotées de représentants légitimes. Les 140 communes du pays et les 575 sections communales avaient à leur tête des conseils élus.

L’investiture de monsieur Moise comme nouveau Président de la République, et la ratification par les deux chambres du Parlement de la déclaration de politique générale du gouvernement qu’il a appointé, devraient, de toute évidence, inaugurer la voie au retour à la stabilité politique et institutionnelle, indispensable au progrès économique et social.


Cette nouvelle administration pouvait aussi compter sur l’appui inconditionnel d’une imposante majorité dans les deux Chambres, soit plus de quatre-vingts (80) députés sur cent dix-neuf et vingt-cinq (25) sénateurs sur vingt-neuf (29). Elle avait, en conséquence, toute la latitude nécessaire pour réaliser la mise en place et le renforcement des institutions indépendantes prévues par la Constitution, pour la consolidation de la démocratie et de l’État de droit. Retenons pour les plus urgentes :

Indépendance du pouvoir judiciaire

L’indépendance du pouvoir judiciaire découle des conditions et des modalités de nomination des juges dans les principales juridictions du pays. Trois institutions sont chargées, aux termes de l’article 175 de la Constitution, de soumettre au Pouvoir exécutif les personnalités à être nommées dans les différentes juridictions judiciaires du pays.


Les juges à la cour de Cassation sont nommés par le Président de la République, sur une liste à lui transmise par le Sénat de la République. Le Grand Corps, à cette fin, procède, préalablement, au recrutement des personnalités à être nommées magistrats auprès de cette Cou, à raison de trois noms par postes disponibles. Une procédure similaire serait probablement mise en œuvre par les Assemblées départementales pour la désignation des magistrats à nommer dans les Cours d’Appel et Tribunaux de Première Instance. Au niveau des tribunaux de paix, c’est aux assemblées municipales que reviennent les prérogatives d’assurer cette désignation. La mise en place des assemblées locales est une étape indispensable dans toute démarche visant à doter les cours et tribunaux de juges répondant aux critères constitutionnels et véritablement indépendants du pouvoir politique.


Le Président Moïse n’a pas autorisé la publication, au journal officiel de la République, des résultats définitifs des élections indirectes organisées par le Conseil Électoral Provisoire. Une résolution du Sénat de la République, suggérant l’adoption du cadre légal de la décentralisation, avant l’aboutissement de ce processus, lui a servi de prétexte. Cet acte d’une branche du corps législatif, autant que je me rappelle, n’a pas fait l’objet de promulgation et de publication au Journal officiel de la République. Cette formalité est essentielle, pour le rendre exécutoire, conformément aux stipulations de l’article 125 de la Constitution.


Le processus de mise en place des différentes assemblées locales a été, de ce fait, suspendu. Jusqu’au 13 janvier 2020, consacrant la fin de mandat des membres de la cinquantième législature, aucune proposition et aucun projet de loi-cadre, portant sur la décentralisation, n’a fait l’objet de présentation, d’analyse et de vote dans aucune des deux Chambres. Cette démarche semble participer d’une évidente volonté de l’exécutif, avec la complicité du Parlement, de pérenniser son emprise sur les membres de la Magistrature. L’indépendance du Pouvoir Judiciaire était perçue par certaines autorités politiques comme une entrave à leurs tentations autoritaires et à leurs velléités très fortement exprimées d’influencer, dans le sens de leurs intérêts, les décisions judiciaires ou juridiques.


Vassalisation et manque de crédibilité de La Cour de Cassation

Le fonctionnement actuel de la plus haute instance judiciaire du pays est préoccupant et appelle à des mesures urgentes. Cette institution du Pouvoir judiciaire souffre ans d’un flagrant déficit de légitimité. La dernière intervention irrégulière du Président Moise, procédant à la mise à la retraite de trois magistrats et à la nomination de trois autres, a achevé le processus de démantèlement de ce pouvoir.


Je rappelle à cet effet que jusqu’à la nomination en 2019 par le Président Moise et sur recommandation du Sénat de six nouveaux juges auprès de cette Cour, quatre des six magistrats constituant son effectif ont été irrégulièrement nommés. Un fait publiquement dénoncé, depuis plusieurs années, par l’Assemblée des Sénateurs, à travers une résolution votée à l’unanimité. La persistance de cette grave anomalie incombe tant au Pouvoir Exécutif qu’au Pouvoir Législatif et particulièrement au Sénat de la République à qui la Constitution a confié la charge de procéder au recrutement des personnalités devant être nommées. Les mises à la retraite et les nouvelles nominations effectuées par le Président de la République, d’ailleurs en violation flagrante de la constitution, ne sauraient garantir à cette instance judiciaire sa crédibilité fortement entachée.


Le recrutement et la nomination des membres de la Cour de Cassation sont aussi au cœur des velléités hégémoniques des membres des Pouvoirs Exécutif et Législatif. L’organe d’administration et de contrôle du pouvoir judiciaire, qu’est le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), intervient dans le processus de désignation des membres du Conseil Constitutionnel et du Conseil Électoral Permanent. La loi, portant organisation et fonctionnement dudit organisme, le place sous l’autorité du Président de la Cour de Cassation.


Conseil constitutionnel

Le Conseil Constitutionnel est l’une des six institutions indépendantes, instituées à côté des trois pouvoirs constitutifs de l’État, par la version amendée de Constitution de 1987. Elle remplace et amplifie les attributions de Commission de Conciliation désignée, antérieurement, comme arbitre de tout éventuel différend entre les trois pouvoirs. Cette nouvelle institution est désormais chargée d’assurer la constitutionnalité des lois et d’exercer les fonctions de juge de la constitutionnalité de la loi, des règlements et des actes administratifs du Pouvoir Exécutif.


Conseil électoral permanent

La toute première constitution de l’après Duvalier, adoptée par voie référendaire le 29 mars 1987, a consacré l’existence d’une institution chargée d’organiser et de contrôler, en toute indépendance, les opérations électorales sur tout le territoire de la République. Il s’agit du Conseil Electoral Permanent. Les attributions de cet organisme, essentiel à la stabilité politique et l’alternance démocratique, couvrent la phase d’élaboration du projet de loi électorale, la tenue à jour des listes électorales et la proclamation des résultats du scrutin.


Mécanismes de Formation du Conseil électoral permanent (CEP). Les prérogatives de recrutement des membres du Conseil Électoral Permanent reviennent aux Collectivités territoriales, selon les termes de l’article 192 de la version originale de la Constitution. Les Assemblées départementales, à cet effet, proposeraient aux trois pouvoirs d’État les listes dans lesquelles devraient être choisis les candidats à être nommés membres de cette institution. La version amendée, dans une démarche d’allégement de cette procédure qui n’a jamais été mise en œuvre, a supprimé cette première démarche.


Les trois Pouvoirs d’État sont, désormais, les seuls habilités à procéder au recrutement des éventuels candidats au poste de membres du Conseil électoral permanent (CEP). Les modalités de désignation des représentants du pouvoir exécutif et du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) ne requièrent aucune exigence particulière. Par contre, celles des représentants du pouvoir législatif nécessitent un vote en Assemblée nationale à la majorité des deux tiers de chacune des chambres.

La formation du Conseil électoral permanent au cœur des luttes politiques pour le contrôle du pouvoir.
L’allégement introduit par l’amendement de 2011, quant aux modalités de recrutement des membres du Conseil Electoral permanent, n’a pas facilité, pour autant, sa mise en place de façon irréversible. Certains acteurs politiques et de la société civile, habités par la tentation d’influencer voire de manipuler les décisions du Conseil électoral, affichent un fort penchant pour les conseils provisoires. L’influence ou l’emprise qu’ils peuvent exercer sur une majorité de membres dudit organisme, leur confère la latitude de favoriser ou d’orienter les résultats des élections en faveur des candidats de leur choix. Les velléités de certaines administrations de constituer, selon leur bon vouloir, des Conseils électoraux provisoires voire d’inventer des conseils transitoires de gestion du Conseil Electoral Permanent (CTG-CEP) traduisent, assez éloquemment, cette démarche. L’interférence des autorités politiques dans la cuisine électorale est la principale source des différentes crises qu’a connues le pays au cours des trente (30) dernières années.


Le Conseil électoral provisoire, alternative au conseil électoral permanent


L’organisation des toutes premières élections, sous l’égide de cette nouvelle constitution de 1987, juste après sa promulgation et publication, a été confiée à un conseil électoral provisoire prévu dans ses dispositions transitoires. Le tout premier et seul conseil électoral provisoire constitutionnel fut celui chargé d’organiser les élections générales du 28 novembre 1987. Les différentes administrations, qui se sont succédé au cours des trente-trois années d’existence de la loi-mère, n’ont entrepris aucune action significative pour la mise en place -de façon irréversible et dans les formes prévues du Conseil électoral permanent. Le recours à des conseils électoraux provisoires par consensus politique, entre le pouvoir exécutif, les partis politiques de l’opposition et les acteurs de la société civile, a toujours été utilisé pour combler ce vide.


Les élections de 2015, les premières tenues, sous l’égide de la constitution amendée, ont été, une nouvelle fois encore, confiées à un conseil électoral provisoire. Ce dernier, issu d’un accord politique entre le Président Martelly et certains partis politiques qui lui étaient réputés proches, a été, tout simplement, reformaté pour la relance en novembre 2016 des mêmes joutes électorales. Ainsi, les douze compétitions électorales, organisées pendant les trente-quatre (34) ans d’existence de la constitution (1987,1988, 1990, 1993, 1995, 1997, 2000, 2006, 2009, 2010, 2015 et 2016), se sont toutes tenues à travers des conseils provisoires issus des accords de sortie de crise.


L’administration du Président Moise, disposant d’une majorité assez confortable dans les deux chambres et pouvant aussi compter sur le contrôle qu’il exerçait sur le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) n’a fait montre d’aucune volonté de mettre en place le Conseil électoral permanent et le Conseil constitutionnel. Le nouveau décret régissant le fonctionnement de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSCCA) démontre assez clairement l’inconfort du président Moise par rapport aux institutions indépendantes.


Retour à l’instabilité politique


L’opposition politique réelle au Président Jovenel Moise était limitée par l’action au parlement et les verves virulentes dans les medias de quatre sénateurs et de moins d’une vingtaine de députés. Ces derniers n’avaient aucune capacité à mobiliser le peuple pour des manifestations de rues et encore moins influencer, par leur vote, les décisions voulues ou décidées par l’équipe au pouvoir. Leurs récriminations et dénonciations, contre les agissements anti-démocratiques du Président, ne pouvaient en rien ébranler la confiance des supporteurs nationaux et internationaux de Monsieur Moise. Nonobstant leurs origines et affiliations politiques différentes, ils paraissaient aux yeux du pouvoir, de l’opposition traditionnelle et même de la communauté internationale, comme des opposants radicaux d’obédience lavalas.


L’administration du Président Moise, de son installation le 7 février 2017 jusqu’au début du mois de juillet 2018, a bénéficié d’une assez longue période de tranquillité et n’a eu véritablement à faire face à aucune crise sérieuse. Cette lune de miel d’environ dix-huit (18) mois l’a gonflée d’orgueil. Le premier mandataire de la nation s’est cru avoir le contrôle de la situation et que sa légitimité populaire, somme toute apparente, était intacte et incontestable.


Origines de cette crise


L’État haïtien, depuis plusieurs années, s’était vu dans la pénible obligation de renoncer au besoin d’ajustement des prix à la pompe des produits pétroliers, tenant compte de son fort impact sur le coût de la vie. Cette prudence politique n’était pas, non plus, sans conséquence pour le Trésor public. Les manques à gagner, d’année en année, atteignant des niveaux jugés insupportables, la nécessité de cet ajustement ne fit l’objet d’aucun doute et elle a été envisagée par plusieurs administrations. Cependant, certains acteurs politiques, par pur populisme ou mieux encore pour flatter les bas instincts d’une clientèle électorale, ont toujours manifesté une opposition publique et hostile à toute démarche tendant à arrêter cette hémorragie financière.


Au mois d’août 2016, le gouvernement de transition avait adopté une résolution visant à réduire de dix (10) gourdes la subvention accordée sur les prix à la pompe des produits pétroliers. Les réactions ne sont pas fait attendre et ont fusé de toutes parts. Les plus virulentes venaient particulièrement du candidat à la Présidence Jovenel Moïse, ses partisans, son groupe politiques et ses alliés au Parlement. Le lecteur se rappelle probablement de cette note du 22 août 2016 « Nous considérons cette décision comme un crime financier qui se fait à l’encontre du peuple haïtien. Plus précisément contre les gens de la classe défavorisée ». Ladite note a été publiée sous la signature du notaire Jean Henry Céant, lui aussi candidat à la présidence et qui allait devenir, quelques années plus tard, le deuxième premier ministre du Président Moïse.


Le Gouvernement du Premier Ministre Jacques Guy Lafontant, avait décidé, pour l’exercice 2018-2019, d’un relèvement global des prix à la pompe des produits pétroliers. Toutes les subventions, jusque-là consenties par l’Etat, à travers cet ajustement, seraient supprimées. La mobilisation de ressources financières, par l’exploitation des niches fiscales, pour financer le budget de l’Etat, est de toute évidence, une démarche opportune. Le Gouvernement, par contre, avait commis de très graves erreurs dans son implémentation.


Il a péché en négligeant de mettre en place une vraie campagne de communication et d’information.
L’analyse préalable de l’impact d’un tel ajustement sur le coût de la vie aurait pu indiquer le niveau minimal acceptable pour une population, déjà vulnérable et en proie à des difficultés de toutes sortes.
La date du 6 juillet – retenue pour la publication de la circulaire annonçant les nouveaux prix à la pompe des produits pétroliers – relevait de l’infantilisme politique.


Ce 6 juillet 2018, en effet, l’équipe de football du Brésil affrontait celle de la Belgique, en quart de finale de la coupe du monde. Le gouvernement espérait que l’euphorie que provoquera, dans les rues de la capitale, la victoire quasi certaine du Brésil détournerait l’attention du peuple. La défaite, inattendue de l’équipe auriverde par deux (2) buts à un (1), ne leur a pas été favorable. Les événements des 6, 7 et 8 juillet 2018 avaient sonné le glas de l’excès de confiance que Monsieur Moise se faisait de sa popularité. Ils étaient, de l’avis de nombre d’acteurs politiques, de la société civile, de diplomates accrédités en Haïti et de membres de la communauté internationale, la première grande manifestation de mécontentement et d’hostilité visibles de la population contre sa présidence. Lesdits événements ont coûté à Jacques Guy Lafontant, qui jusque-là jouissait de toute la confiance du Président, son poste de Premier ministre.


Les graves conséquences de ces événements, au triple point de vue politique, économique et social, témoignent du fait que le pays est loin de cheminer irréversiblement sur la voie de la stabilité politique. La capacité du Chef de l’État à juguler cette crise, se maintenir au pouvoir et compléter son mandat devint un sujet de conversation et même de préoccupation pour plus d’un. Les nominations de Jean Henry Céant, de Jean Michel Lapin, Fritz William Michel et Joseph Joute, au poste de Premier ministre n’ont jamais pu permettre au pays de retrouver sa voie mise en berne depuis les événements de juillet 2018.


Le retour au vide institutionnel


L’administration du président Moise, marchant sur les brisées de son prédécesseur et mentor, a royalement ignoré les échéanciers électoraux de 2017 et 2019, fixés par la Constitution. Le premier, à avoir été raté, est celui de 2017 pour le renouvellement d’un premier tiers au Sénat de la République. Les élections attendues le dimanche 25 octobre 2019, conformément aux stipulations de l’article 90.1 de la Constitution, n’ont pas été tenues. Elles avaient pour rôle de renouveler la totalité des membres de la Chambre des députés, un autre tiers du Sénat et les organes des Collectivités territoriales.


Cette administration, qui contemple déjà ses quatre ans aux commandes de la République, n’a organisé aucune élection. Bien plus, elle avait choisi, de son propre chef, de ne pas publier les résultats des élections indirectes, transmis à la présidence par l’institution électorale depuis 2017. Ainsi, le lundi 13 janvier 2020, au matin (12.03) c’est un président Moise, en grand vainqueur, qui annonce pompeusement la caducité du parlement.

La première session ordinaire de l’année législative 2020 ne s’est pas ouverte, contrairement aux stipulations de l’article 92.1 de la constitution. Le Président loin de tirer les conséquences de son échec de ne pas veiller à la stabilité des institutions et d’assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics, s’est enorgueilli de devenir un président tout-puissant. Il concentre, désormais entre ses mains, l’ensemble des pouvoirs d’Etat en installant aux commandes des deux branches de l’administration publique nationale, les membres de son clan politique, ses amis et proches partisans.


Le nouveau gouvernement qu’il a appointé, avec Monsieur Joseph Joute à sa tête, ne répond que de lui. Ce gouvernement, dépourvu de toute légitimité constitutionnelle, s’approprie de compétences législatives en édictant des décrets lois sur tous les sujets. Aucun article de la constitution de 1987 ne lui reconnait de telles prérogatives. Le principe de la séparation des pouvoirs n’est qu’un vain mot pour l’administration de Monsieur Moise.


Une administration illégitime engage la nation


Les principales institutions républicaines sont aujourd’hui, soit dysfonctionnelles, soit aux mains de responsables appointés en dehors des prescrits constitutionnels. Les nominations à être effectuées aux postes de commandant en chef des Forces Armées d’Haïti et des Forces de Police, conseils d’administration de la Banque de la République d’Haïti de la banque nationale de crédit, requièrent, aux termes de l’article 241 de la constitution l’approbation préalable du Sénat de la République.


Les citoyens placés, à titre intérimaire, aux commandes de ces institutions ne peuvent nullement prétendre jouir dans la conduite de leurs actions du principe dit de compétence « rationae materiae ». Il en est de même pour ceux récemment affectés aux missions diplomatiques haïtiennes à l’étranger, à titre d’Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires et de Consuls généraux. Ils se retrouvent en situation d’illégitimité constitutionnelle par rapport aux fonctions qu’ils occupent.


Article 141: Le Président de la République, après approbation du Sénat, nomme par arrêté pris en Conseil des Ministres, le Commandant en Chef des Forces Armées, le Commandant en Chef de la Police, les Ambassadeurs et les Consuls généraux.

L’approbation sénatoriale pour les titulaires de ces institutions garantit non seulement la durée de leur mandat triennal, mais leur permet aussi d’exercer leur charge en toute autonomie. Le renvoi, moins d’une année après sa prise de fonction d’un Directeur général nommé à titre intérimaire aux commandes de la Police Nationale d’Haïti, témoigne éloquemment de la vulnérabilité et de la dépendance des responsables, irrégulièrement nommés, aux caprices du Président. Ces différentes actions et décisions du Président Moise sont des cas avérés de violation de la Constitution.


Article 270: Le Commandant en Chef des Forces de Police est nommé, conformément à la Constitution, pour un mandat de trois (3) ans renouvelable.
Haïti est une nouvelle fois hanté par le spectre du chaos et de l’anarchie.
Le débat politique actuel tourne autour du constat, fait par le Président Jovenel Moise lui-même, de la caducité du parlement. Cette annonce avait aussi entrainé le renvoi des sénateurs élus aux joutes électorales de 2015 et 2016. Ces derniers, se référant aux stipulations de l’article 95 de la constitution, à tort ou à raison, ont exigé le respect de leur mandat de six ans (6): Ledit article est ainsi libellé « Les sénateurs sont élus pour six (6) ans et sont indéfiniment rééligibles ».


Le Président Moise, en raison de ce vide parlementaire qu’il a savamment préparé, s’est écarté de la légitimité constitutionnelle. Cette situation s’est aussi aggravée par un manque évident d’intérêt à trouver avec les forces de l’opposition politique un accord minimal portant sur la gouvernance du pays. Cette succession de crises, non seulement, menacent les plus légitimes aspirations de la population, mais plus encore, les fondements mêmes de la nation. A cela s’ajoutent des questionnements autour de la fin du mandat du Président Moise et de ses velléités de changer la constitution du pays. L’organisation des élections législatives, devenue la principale urgence de l’heure ne fait pas l’unanimité au sein de la classe politique. Cette dernière refuse, toute participation à une compétition électorale organisée par l’administration Moise-Jouthe.


Jocelerme PRIVERT
57e Président de la République
Décembre 2020

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *