Jocelerme Privert

Bienvenue sur le Site web de Jocelerme Privert

L’exposé général sur la situation du pays que le Président de la République est tenu de faire, depuis la tribune du corps législatif, par un message à la nation ne s’est pas réalisé pour les rentrées parlementaires des 12 janvier 2015 et 11 janvier 2016. Les deux chambres du parlement étant rendus dysfonctionnels par suite du non respect par l’administration du président Martelly des principaux échéanciers électoraux prévus par la constitution, pour le renouvellement de son personnel.
En ce lundi 9 janvier 2017, c’est avec un sentiment d’une profonde satisfaction et d’une légitime fierté, que je me suis retrouvé par devant mes anciens collègues du parlement, cette fois-ci en ma qualité de président de la république, pour adresser ledit message.
« Nul n’est prophète dans son pays dit le proverbe ». C’est bien le cas en ce qui me concerne. Ancien membre du parlement, je n’étais pas le bienvenu, au palais législatif, pour certains de mes anciens collègues. Ces derniers, tout au cours de la journée, ont fait véhiculer, tant dans les couloirs du parlement que dans les medias, des menaces d’agression verbale ou physique contre ma personne. Un fort sentiment de peur et d’inquiétude s’est installé dans les esprits de nombre de mes proches conseillers et collaborateurs. Leur objectif était de faire monter la pression jusqu’à eux, afin qu’ils me dissuadent de renoncer à me présenter et d’éviter le danger.


Que vouliez-vous qu’il fit contre trois ? Qu’il mourut !
Les familiers des pièces classiques ou ceux qui ont lu le Cid de Pierre Corneille se rappelleraient bien de cette réponse du vieux Horace à son ami tentant de justifier la fuite de ses fils devant les frères Curiace. Je ne suis pas un héros cornélien, je suis plutôt d’un naturel téméraire. La peur ne saurait me faire dérober à mes responsabilités. En 2004, je n’ai pas gagné le chemin de l’exil. J’avais choisi, au péril de ma vie, de rester au pays. A tous mes collaborateurs, j’ai signifié ma détermination, au moment voulu, à me rendre au Parlement et adresser mon message au corps législatif tel que prévu par la Constitution.

Une fois informé que le quorum nécessaire pour l’ouverture de la séance en assemblée nationale est atteint et que les conditions de sécurité sont mises en place par la police nationale, je me suis présenté à la salle de séance, tel que requis à l’article 151 de la constitution. Les conspirateurs étaient au comble de leur désappointement quand ils m’ont vu la tête altière et avec assurance, faire mon entrée dans la salle et gravir la tribune. Le message de circonstance a été, sans interruption nuisible, délivré et sous les applaudissements de l’assistance. Je n’ai eu droit, à la fin, qu’à quelques remarques désobligeantes de certains nostalgiques déçus d’avoir piteusement échoué dans leur démarche.
Cette vile manipulation de l’opinion publique est l’œuvre des élus, proches et alliés du PHTK, réunis au sein du bloc enregistré à la chambre des députés sous la dénomination alliance parlementaire haïtienne (APH) et leurs collègues, plutôt minoritaires, au sénat de la république. Ces derniers n’ont jamais digéré n’avoir pas réussi à me renverser du pouvoir le 14 juin 2016. Ils pensaient s’offrir une, à travers cette obligation qui m’est faite par la constitution, une opportunité de me déshabiller et me faire passer pour un lâche. Ils n’ont pas cru leurs yeux. De la bouche de l’un d’entre eux, un sénateur de surcroît, est sortie ce cri de désespoir « apa li vini vre ».



Je porte la parole aujourd’hui dans cette enceinte, au titre des exigences impérieuses et inviolables de la Constitution de la République démocratique, qui, en son article 151, prescrit la délivrance, du haut de cette auguste tribune, d’un message présidentiel sur l’état de la nation. Le protocole républicain, chaque année, au deuxième lundi de janvier, réunit dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, les Représentants du peuple, les grandes instances de l’État, le Corps diplomatique et consulaire, le Gouvernement et la Présidence de la République, pour donner la solennité qui convient à l’ouverture de la session ordinaire de l’année législative.
Nul ne peut ne pas convenir que la rencontre de cette année 2017 prend une connotation particulière de soulagement et de succès, au souvenir des aléas qui ont jalonné notre cheminement pénible à travers les ornières des incertitudes et semblaient en passe de miner nos ambitions et nos espérances dans l’avenir de notre démocratie et la consolidation de l’État de droit au pays. Tout au long de l’année 2016, je n’ai cessé de marteler qu’un risque de dysfonctionnement menaçait l’ensemble des institutions républicaines en ce début d’année 2017, si des élections libres, transparentes, démocratiques et inclusives ne dotaient le pays d’autorités légitimes à tous les échelons du pouvoir.


Les défis pour y arriver étaient multiples. Au-delà même des défis matériels, financiers et infrastructurels – que j’évoquerai plus loin – le principal obstacle était celui de la confiance. Beaucoup d’acteurs, de décideurs et de partenaires ne croyaient pas possible d’opérer ce virage difficile, de réussir ce bond gigantesque et nécessaire vers la stabilisation de nos institutions et la pacification sociale et politique du pays. Aujourd’hui, cette rentrée parlementaire, dans la quasi plénitude des effectifs et la sérénité des retrouvailles citoyennes, montre que le sursaut patriotique a vaincu le pessimisme, grâce aux vertus fécondes du dialogue, du travail, de la fermeté et de la détermination.
C’est d’ailleurs mon message cardinal à vous tous, Honorables Sénateurs et Députés. Ayez confiance en vous ! Ayez confiance en votre Nation ! Œuvrez pour mériter de la confiance de vos pairs et de la Nation. Travaillez pour redonner confiance en l’avenir au Peuple trop souvent déboussolé et en manque de repères !


Mesdames, Messieurs,
Honorables Sénateurs et Députés,
Le Premier ministre Énex Jean-Charles vous a déjà exposé le bilan exhaustif de l’action gouvernementale. Je ne vais donc pas m’appesantir sur les résultats et performances sectoriels. En tant que Chef de l’État, je m’attacherai surtout à rappeler à la Nation la situation du pays au tout début de l’année 2016, quand j’ai été élu par mes pairs pour assumer la magistrature suprême avec un mandat spécifique : la poursuite du processus électoral enclenché en 2015.
J’évoquerai ensuite les principaux chantiers et les grands défis qu’il a fallu relever avec tact, doigté, dans une quête permanente du bien-être collectif. Je vous présenterai, enfin, les perspectives pour le pays en cette nouvelle année 2017.


TOUT D’ABORD, SUR LE PLAN POLITIQUE


Le spectre du dysfonctionnement des institutions républicaines, qui se profilait a la fin de l’année 2014, annonçait déjà que la Patrie égarée était entrée dans une ère d’incertitudes et de turbulences. Les principaux acquis issus du régime constitutionnel auquel le peuple haïtien a adhéré massivement, à savoir son bien-être matériel, l’Etat de droit et la démocratie, étaient compromis. Il fallait au plus vite apporter une réponse convenable cette ambiance délétère propice a toutes les aventures. Les échéanciers électoraux maintenant repoussés devenaient de plus en plus nécessaires et indispensables. C’est dans ce contexte qu’ont eu lieu les élections de l’année 2015, qui malheureusement n’ont pas abouti à combler tous les vides laissés par la fin de mandat d’un grand nombre d’élus et particulièrement au niveau de la Présidence du pays.


Elu Président provisoire dans le cadre de l’accord du 5 février 2016, il m’incombait l’impérieuse obligation d’achever ce processus. Le 3 janvier dernier, le Conseil Électoral Provisoire a confirmé les résultats définitifs des élections du 20 novembre 2016, consacrant la victoire au premier tour de M. Jovenel Moïse en tant que 58e Président élu de la République d’Haïti. Je saisis cette occasion pour le féliciter encore une fois publiquement et pour lui souhaiter un quinquennat de paix, positif et fructueux. J’ai d’ailleurs pris l’initiative de lui proposer la mise en place immédiate d’une commission mixte de passation de pouvoirs, ce qu’il a accepté.
Je félicite également tous les autres élus issus de ces joutes et souhaite bonne chance aux candidats encore en lice.


VIOLENCE ET INSÉCURITÉ


La proclamation des résultats du premier tour des présidentielles d’octobre 2015 avait été accueillie sur l’ensemble du territoire par des manifestations de rues accompagnées d’actes de violence, lesquelles se sont poursuivies jusqu’au mois de février 2016. Mon élection à la Présidence provisoire du pays, l’ouverture des consultations avec les acteurs politiques et la formation de ce gouvernement de consensus, ont permis un net ralentissement de ces manifestations et instauré une bénéfique atmosphère de paix et de stabilité. Les récentes contestations, suite au résultat des joutes du 20 novembre, n’ont jamais atteint l’ampleur ni l’impact que celles que nous avons vécues au début de l’année 2016. Je tiens à féliciter à ce propos les forces de police qui, dans le respect des droits à manifester de chaque citoyen, ont su éviter des débordements majeurs ou disproportionnels.


LA SITUATION ÉCONOMIQUE : L’INFLATION ET LA CHUTE DE LA GOURDE


L’année 2016 fut particulièrement fâcheuse pour l’économie haïtienne : crise politique, effondrement de l’aide externe dû à l’affaissement drastique des fonds PetroCaribe et des appuis budgétaires, refus de la Communauté internationale de financer les élections et, enfin, attentisme subséquent – et logique – des entrepreneurs. A tout cela se sont ajoutés plusieurs désastres naturels, dont le passage de l’ouragan Matthew dans le Grand Sud, les inondations survenues par la suite dans les régions Sud, Ouest et Nord du pays et les séquelles d’une forte sécheresse ayant sévi les deux années précédentes.
Les pronostics les plus alarmistes fusaient de partout. En raison de la poussée de dépenses publiques – notamment pour le financement électoral évalué à plus de cinquante cinq (55,000,000. 00) millions de dollars américains – se profilait le spectre d’un déficit budgétaire, accru de nouvelles pressions inflationnistes. Et les efforts redoublés de la Banque Centrale pour juguler de telles pressions, à travers la baisse des réserves internationales et l’accroissement des taux d’intérêt, se solderaient indubitablement par l’éviction monétaire des investissements privés créateurs d’emploi soutenu. Les prévisions de croissance économique étaient, bien sûr, extrêmement pessimistes.


Dans un tel contexte, qui oserait contester que la performance macroéconomique du Gouvernement haïtien et des dirigeants de la Banque de la République d’Haïti n’a pas été remarquable. Un simple coup d’œil au tableau des paramètres financiers et monétaires révèle le maintien d’une croissance de 1,4%, certes modeste , mais tout de même supérieure à celle de l’année précédente, et soutenue, pour la première fois depuis plusieurs années, par la production marchande dont l’agriculture — +3%, contre la forte chute de 5,4% accusée l’an dernier — et l’industrie manufacturière — +1,5%. La croissance fut toutefois, sans surprise, pénalisée par la stagnation des secteurs du bâtiment et des travaux publics (0,2%), due d’une part à l’épuisement et le gaspillage par les dirigeants précédents des ressources Petrocaribe et, d’autre part, à la faible croissance du sous-secteur “commerce, restaurants et hôtels”, conséquence de la prudence des investisseurs du secteur en raison de l’environnement politique incertain et instable.


La bonne gestion des finances publiques, caractérisée par la quasi absence d’endettement additionnel de l’Etat Central durant la seconde moitié de l’exercice fiscal 2015-16, depuis la signature, le 22 avril 2016, du Protocole d’Accord sur la Gestion de Trésorerie entre le Ministère de l’Economie et des Finances et la BRH, a permis d’échapper à la nécessité du financement monétaire du Trésor Public par la Banque Centrale. Les réserves internationales nettes de change de la BRH ont remonté fortement – de U.S. $767 millions en décembre 2015 à U.S. $925 millions en décembre 2016 — soit US $157 millions, tendance inaccoutumée en période électorale, où l’on s’attendrait plutôt à une pression sur les dépenses publiques conduisant subséquemment à l’utilisation des réserves de change pour contrarier les pressions inflationnistes.
Il importe de noter aussi le ralentissement notable du rythme de dépréciation de la gourde. D’une cadence annuelle de l’ordre de 40% durant la première moitié de l’exercice fiscal 2015-16, il est tombé à environ 13% depuis la fin du mois de mars dernier.


Paradoxalement, il n’est pas sans intérêt de mentionner les retombées positives de la dépréciation de la gourde, lesquelles, jointes aux incitations mises en place par la BRH au cours de l’année, ont eu la vertu de stimuler la compétitivité future des industries marchandes (exportation, agriculture et tourisme). En atteste la forte demande d’espaces industriels voués à l’exportation textile et les perspectives notables de création d’emploi de cette industrie au cours des 24 prochains mois (près de 40 000 d’après les données de la SONAPI et de l’Association des Industries d’Haïti).
Je félicite particulièrement l’équipe économique que j’ai eu le bonheur de mettre en place en collaboration avec le Premier Ministre, Enex Jean-Charles, ainsi que les autres membres du Gouvernement, qui ont su diagnostiquer l’état morbide des finances publiques à notre arrivée en février dernier et comprendre la nécessité de la parcimonie et de l’austérité dont nous avons fait preuve tout au long de l’année 2016.


L’OURAGAN MATTHEW ET LA SITUATION SANITAIRE


Haïti a été frappée cette année par l’une des catastrophes naturelles les plus désastreuses depuis le séisme du 12 janvier 2010 ! L’ouragan Matthew a promené une fureur dévastatrice sur 5 départements géographiques : la Grand’Anse, le Sud, le Sud-Est, les Nippes et le Nord-Ouest. Il y a laissé des plaies profondes et des stigmates encore béants. Les dommages et pertes sont évalués, selon un rapport de la Banque Mondiale avec la participation des instances gouvernementales haïtiennes, à 1.9 milliards de dollars ! Au-delà de la destruction de l’habitat et des infrastructures routières, de nos écoles et de nos récoltes, l’ouragan a saccagé notre environnement, notre flore et notre faune. L’ensemble des conséquences néfastes de la catastrophe n’est guère totalement pris en compte, notamment la menace d’insécurité alimentaire qui guette les populations du grand Sud.


Il convient de souligner que le passage de cet ouragan destructeur a généré un exemplaire élan de solidarité humaine. Je saisis encore une fois cette occasion pour remercier l’ensemble des gouvernements, institutions et pays amis qui ont accompagné le peuple haïtien dans ces moments d’épreuve et de désolation. Je profite aussi pour rappeler que Matthew est toujours présent ! Les populations des zones affectées sont toujours en situation de détresse économique, de désarroi écologique et de grande précarité sociale.


LA RÉPONSE DU GOUVERNEMENT


Du côté du gouvernement, nous avons conçu une réponse à deux volets. Le premier adresse l’urgence humanitaire. Le second couvre le redressement et la relève économique. Si au niveau de la réponse humanitaire nous avons reçu une part importante de l’aide d’urgence, nous n’avons pas pour l’instant bénéficié du soutien nécessaire pour les activités structurantes et durables de la relève économique. Or, il est impératif d’agir sur ce volet pour réduire la vulnérabilité ambiante et augmenter la résilience des populations.
Par ailleurs, au-delà des actions ponctuelles envisagées ou improvisées, nous nous sommes rendus à l’évidence que nous n’avons pas œuvré suffisamment dans le sens de la sensibilisation et de la prévention. C’est ainsi qu’avec le Premier ministre Enex Jean-Charles, nous avons décidé de faire du 12 janvier – date funeste dans les annales des catastrophes naturelles en Haïti –une journée nationale de réflexion et de sensibilisation sur les risques et vulnérabilités d’Haïti face aux catastrophes naturelles ! Cette année, le 12 janvier ne servira pas seulement à honorer la mémoire des victimes du séisme de 2010 ! Elle va marquer, à travers divers évènements, célébrations œcuméniques et culturelles, une prise de conscience ainsi que la prise en charge de notre responsabilité de dirigeants face aux futures générations, par rapport aux menaces cycliques que font peser sur nous les catastrophes naturelles.
Nous observons que les mauvais gestes, les mauvais réflexes ou tout simplement l’ignorance de la menace sont souvent plus meurtriers que les catastrophes elles-mêmes ! Construire dans les lits des rivières ou sur le littoral ou sur les pentes dénudées des mornes dans un pays si exposé, relève de l’inconscience et dénote des comportements de personnes qui ou bien ignorent, ou bien sous-estiment les risques encourus pour leurs investissements et pour leur propre vie !


Ainsi, parallèlement aux actions de régulation et de coercition parfois nécessaire, la réponse sera globale et inclura un important volet de sensibilisation à tous les échelons de la société, ciblant principalement nos écoles, nos universités, les associations paysannes, les collectifs d’artistes et d’écrivains ainsi que tous autres vecteurs de la société civile capables de nourrir et relayer efficacement cette campagne de réflexion et de sensibilisation. Bien évidemment, cette nouvelle approche doit être coiffée par une politique, un plan d’actions connus et maîtrisés par l’ensemble des acteurs sur la problématique de la gestion des risques et désastres.


L’ANNÉE A VENIR


Je suis arrivé à la tête du pays en février 2016 dans un contexte d’explosion proche du chaos et de l’anarchie. Les manifestations de rues se multipliaient et versaient dans une violence qui mettait en péril les vies et les biens des citoyens et citoyennes, ainsi que la tranquillité sociale. L’avenir était sombre et sinistre, et personne ne savait vraiment de quoi serait fait le lendemain. Aujourd’hui, je me prépare à remettre, le 7 février 2017, au nouvel élu, un pays politiquement apaisé et socialement plus serein, fort de la confiance retrouvée dans les institutions et dans les autorités.
Je formule le vœu que tous les déçus des résultats des joutes du 20 novembre 2016 fasse le grand sacrifice patriotique d’organiser une opposition pacifique, démocratique et constructive face aux nouveaux élus quel que soit leur niveau. Haïti doit être pour chaque citoyen, chaque citoyenne le candidat perpétuellement et indéfiniment gagnant.


Je suis en droit de m’enorgueillir d’avoir contribué à débarrasser l’horizon des lendemains des ombres néfastes de l’incertitude politique et du désarroi social. L’un de mes vœux les plus chers et les plus ardents pour Haïti et pour le Peuple haïtien est que les nouvelles autorités puissent bonifier cet héritage fragile pour désormais entrer dans un cercle vertueux de croissance et de confiance, de stabilité politique et de progrès économique, de dialogue permanent, de paix sociale et de démocratie.


DÉFIS et PERSPECTIVES


L’un des premiers défis que la Nation haïtienne doit relever en cette nouvelle année 2017 est celui de l’Unité et de la Réconciliation nationales. Cet appel a constitué le cœur de mon message le 1er janvier, Jour de l’indépendance Nationale. Il l’a aussi été le 2 janvier, jour des Aïeux. Aujourd’hui encore, en cette date solennelle qui marque la rentrée parlementaire, et compte tenu du rôle prépondérant que vous jouez, Honorables parlementaires, dans le maintien de la stabilité politique tant recherchée, je considère encore opportun de réitérer ce message d’unité nationale et de pardon réciproque. Laissons de côté nos petits intérêts partisans, faisons taire nos querelles de chapelle, et pensons au bien commun, pensons à la collectivité. Haïti reste et demeure notre seul héritage commun et elle le restera toujours, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse. Il est temps de se rendre à l’évidence de cette inéluctable réalité et donc, de s’unir, de s’entendre, de se donner la main fraternelle, pour qu’il y fasse bon vivre, y travailler et se recréer dans l’amour, le pardon et la convivialité, afin d’assurer la jeunesse éternelle de la patrie immortelle.


Le deuxième défi de taille à surmonter en 2017, et au-delà, est celui de la cohésion sociale. Un pays où il fait bon vivre, un pays apaisé est celui où il y existe des égales opportunités d’accès pour tous aux biens et aux services publics, à l’éducation, à la santé, au travail et au loisir. Cette égalité de chances pour tous constitue le ciment de la cohésion sociale. Notez que ce défi n’incombe pas seulement à l’Etat. Nous devons le relever ensemble, le secteur public en conjonction harmonieuse avec le secteur privé !
Le troisième défi important engage la construction une fois pour toutes d’un projet de société cohérent, dynamique et inclusif. Haïti a définitivement besoin d’un pacte social rénové. Quels sont les faits d’armes ou les prouesses dont nous pourrons nous vanter et être fiers? Qu’est ce qui nous fait vivre ou survivre depuis longtemps ? Qu’est ce qui nous fait vibrer et rêver ensemble comme Nation? Jusqu’ici, nous nous cantonnons à évoquer l’épopée incomparable de nos Aïeux ! Oui, c’était exceptionnel. Oui, nos ancêtres les Pères Fondateurs de la nation étaient des visionnaires. Oui, Haïti était humaniste avant la lettre. Mais, c’était il y a 213 ans !


Et depuis, qu’avons-nous fait pour mériter de nos ancêtres?
Qu’avons-nous fait pour sortir de la léthargie, de la misère et de la pauvreté ?
Qu’avons-nous fait pour éviter d’être affublé de ces épithètes peu flatteuses, voire ignominieuses de pays « failli » ou de pays « fragile » ?
Honorables Sénateurs et Députés, Peuple haïtien, si un pèlerinage périodique dans son passé nous fournit les ressources pour alimenter nos rêves et ambitions du présent pour façonner son lendemain, le regard positif et conquérant doit être tourné vers l’avenir. Nous regardons trop souvent en arrière et pas assez en avant. A part les États-Unis d’Amérique, tous les autres pays du Continent américain ont acquis leur indépendance après Haïti… Aujourd’hui il est grand temps pour nous d’effectuer une sincère introspection, et de se regarder l’un l’autre dans les yeux pour se demander – sans malice – ce que nous avons nous fait d’un tel exploit !


Pour finir, j’évoque un quatrième défi à affronter. C’est celui de notre relation au temps ! Nos actions s’inscrivent trop souvent dans le court terme. A agir de la sorte, nous donnons des signes de grande fébrilité, qui ne fait que dénoter notre myopie politique et administrative. Le propre des dirigeants est de savoir se projeter dans le temps. Il faut anticiper les évènements à venir : la croissance démographique, la diminution des sources d’énergies fossiles, la transformation de la société, l’économie du numérique, les nouvelles technologies ou le dramatique phénomène des migrations suivi de rapatriements humiliants.
Nous sommes trop à la traîne ! Nous sommes trop souvent en retard, au sens propre comme au sens figuré. Nous sommes trop souvent surpris par les changements et les bouleversements qui s’opèrent dans notre environnement immédiat et dans le monde ; ces retards de diagnostic et d’anticipation limitent et compromettent irrémédiablement nos capacités de réaction et d’adaptation, et nous empêchent de rebondir de façon opportune. Nous ne pouvons pas continuer à gérer Haïti au jour le jour, au mois le mois, au gré des maigres recettes fiscales. Nous vivons à la merci de l’assistance externe, en nous demandant chaque fois anxieusement qui sera le prochain bailleur à venir en aide. Haïti a besoin de se relever, de regarder vers l’avant, de se projeter dans l’avenir, sur le plan national, régional et international, pour innover et prendre des décisions cohérentes, porteuses d’espoir et de progrès social. Haïti a besoin de responsables politiques, d’hommes d’affaires, de leaders étudiants, de leaders paysans impliqués dans la construction d’une Haïti prospère, juste et démocratique.


Honorables Sénateurs, Honorables Députés,
Décideurs politiques, élites économiques, intellectuels et intellectuelles, paysans et paysannes,
Responsables de la société civile, Haïtiens, Haïtiennes,
Si nous avons le courage et la lucidité de relever ensemble ces défis, constamment embourbés dans la paresse et la procrastination, si nous pouvons prendre notre destin à bras le corps, alors nous pourrons illuminer les horizons de demain, de 2017 et des prochaines décennies.
Alors, dans 100 ans, dans 213 ans, les générations futures pourront s’inspirer de notre comportement, de nos exploits collectifs, de notre testament politique commun, pour nourrir leurs aspirations et leurs ambitions à vivre dans l’unité nationale et à partir d’un pas assuré vers la conquête de l’avenir.
Tel est le souhait le plus ardent de mon cœur de patriote et de chef d’État, fier d’avoir réussi l’exploit de repeupler le paysage politique de mon pays, et ceci grâce au concours de vous tous et de la nation.
Vive le Peuple haïtien,
Fructueuse année de travail législatif au service de la Nation haïtienne.
Je vous remercie.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *